N°H15 – Nutrition/dénutrition – Troubles du spectre de l’autisme (TSA) – Diététiciens et tous professionnels de santé

Troubles du spectre de l’autisme : La prise en charge diététique

Version : mars 2023
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Les sujets abordés dans cette fiche:

  • Quelles sont les particularités liées aux TSA potentiellement à l’origine de troubles alimentaires ?
  • Quelles sont les conséquences et répercussions pour la personne vivant avec un TSA ?
  • Quels sont les leviers d’actions pour compenser ces difficultés ?

  • Les particularités de fonctionnement des personnes présentant des TSA peuvent influencer leurs comportements alimentaires et les temps de repas, c’est le cas de plus de 80 % des enfants avec un TSA1.
  • Chez ces personnes, on retrouve une prévalence plus élevée de troubles gastro-intestinaux, troubles du sommeil, TDAH, épilepsie, comorbidités psychiatriques2.
  • Les conséquences sur le plan nutritionnel et social nécessitent une prise en charge pluridisciplinaire dont diététique et ce, dès le plus jeune âge.
  • Les troubles peuvent être aggravés par d’autres problèmes moteurs associés.

Les influences possibles des TSA sur la prise alimentaire :

  • Altérations sensorielles dans 90% des cas3 : hyper/hyporéactivité aux stimulations sensorielles (goûts, textures, aspects visuels, odeurs, sons de la mastication des aliments) et à l’environnement (luminosité, bruit…). Difficultés à percevoir ses besoins (faim, soif, satiété…), aspect visuel (séparation des couleurs…). Le temps de repas sollicite de multiples fonctions et sens dont la gestion et la coordination peuvent être complexes et engendrer de la frustration voire des « comportements défis »*.
  • Intérêts spécifiques et restreints : en partie liés à la peur de la nouveauté, la personne présente une forte propension à ne consommer des aliments que sous une certaine forme ou texture ; ou que certains aliments d’une marque spécifique… Cette peur peut également être tournée vers l’environnement non contrôlé du repas pouvant être source d’anxiété.
  • Néophobie alimentaire* : besoin que les choses soient immuables, adhésion inflexible à certaines routines, saveurs, recettes, aliments/goûts précis…
  • Difficultés dans les fonctions exécutives : initiation, organisation, inhibition.
  • Trouble des interactions sociales : les interactions sociales peuvent rendre anxiogène le temps de repas, qui est (en général) un temps de socialisation.
  • Difficulté de mastication et / ou de déglutition : fréquentes chez les TSA, ces difficultés se retrouvent chez de nombreuses populations (exemple : fausse-route, la personne a un défaut de fermeture des voies aériennes qui engendre un passage d’aliments liquides ou solides dans les poumons).
  • Un trouble somatique ou une douleur peut perturber l’alimentation et ne pas être identifié à cause d’un trouble de la communication (du fait de l’absence de demande d’aide et l’absence d’identification de la douleur chez les personnes avec TSA).
  • Également, chacun a des représentations alimentaires fondées sur son expérience et parfois un aliment peut être associé à une image spécifique. Si l’image de l’aliment présenté ne correspond pas à la perception de la personne ou ce à quoi elle a été habituée, il peut y avoir une incompréhension (notamment dans l’utilisation de pictogrammes).

Les conséquences possibles

  • Difficultés d’intégration de nouveaux aliments : répertoire alimentaire restreint et risque éventuel de carences
  • Difficultés d’adaptation des repas en famille ou en collectivité
  • Temps de repas socialement compliqués
  • Risques de surpoids et obésité (pouvant également être influencé par la prise de neuroleptiques) ou à l’inverse une perte de poids voire dénutrition
  • Troubles du comportement alimentaire
  • Trouble PICA (trouble du comportement alimentaire caractérisé par l’ingestion durable (pendant plus d’un mois) de substances non-nutritives et noncomestibles : terre, papier, sable…)
  • Accompagnement à l’alimentation voire dépendance pour se nourrir
Le type de carence alimentaire et la gravité des répercussions sociales (pour la personne et son entourage) peuvent varier de légères à sévères. Le passage à une alimentation solide et variée peut être très difficile pour un un nourrisson présentant des traits autistiques.

Les clés pour une première consultation

Leviers d'action possibles

Avant tout

Bilan orthophonique (bilan déglutition et mastication), bilan dentaire, réalisation d’un profil sensoriel.

Prise en charge pluridisciplinaire

Aidants familiaux et/ou professionnels, éducateurs, rééducateurs, professionnels de santé…
Ex : le rôle de l’ergothérapeute (adaptation d’outils, de l’environnement et des ustensiles du repas), du psychologue, du dentiste… Il y a une gestion sensorielle des repas en équipe. Veiller à ce que les bonnes pratiques diététiques soient comprises et reprises par tous.

Agir sur l'environnement et le matériel

Créer un environnement facilitant pour la personne (fond sonore ou silence absolu, épurer l’environnement visuel, ajout de balle de tennis sur les pieds des chaises pour diminuer les bruits lorsqu’elles sont déplacées, tables ergonomiques…). Un travail d’adaptation du matériel est parfois nécessaire (assiette d’une certaine couleur ou forme, couverts plus lourds ou d’une forme adaptée…). L’adaptation de l’environnement et du matériel demande de bien connaître la personne concernée et son profil sensoriel pour rendre le temps de repas le moins anxiogène possible augmenter la réceptivité de la personne.

L'introduction du nouvel aliment

Commencer par un aliment que la personne est susceptible d’apprécier.
> Augmenter progressivement la quantité de l’aliment.
Afin que sa présence soit tolérée par la personne, présenter le nouvel aliment sur sa table… puis proche de son assiette, le laisser manipuler (toucher, sentir, regarder)… puis peu à peu l’inciter à introduire dans sa bouche l’aliment jusqu’à son acceptation.
Cela peut être long et parfois nécessiter de s’y reprendre à 20, 30 ou 40 reprises.
Veiller à la généralisation des pratiques sur tous les lieux d’accueil de la personne. Ne pas essayer de cacher les aliments qu’il déteste (peut développer de la méfiance).

Ritualiser

Ritualiser au maximum pour limiter les changements (temps de repas, type de couverts, placement à la table…). Le seul changement doit être l’aliment nouveau. Possibilité d’utiliser un minuteur (ou Timer) ou encore des pictogrammes.

La présentation des aliments

Séparer les aliments dans l’assiette et éviter les plats en sauce. Cela permet de diminuer l’effort visuel et sensoriel.
Alterner les formes et textures des aliments que la personne apprécie et les présenter sous différentes formes (ex : pour la pomme de terre, possibilité de la faire en purée, en salade, en morceaux, à la poêle, et si la personne aime la texture de la purée, essayer différents légumes en purée) pour éviter que la personne se lasse et pour travailler la flexibilité.

Posture à adopter

Toujours encourager et féliciter la personne, la motiver par l’utilisation de renforçateurs*. Rester bienveillant, car la personne peut avoir beaucoup de difficultés.
En cas de « comportement défis », il vaut mieux proposer à la personne de quitter la table pour qu’elle puisse s’apaiser plutôt que d’insister et de la contraindre. Les rigidités alimentaires ne sont pas des caprices ou une tentative de manipulation de la part de la personne.
Attention à ne pas mettre trop de pression. Les repas doivent rester un moment agréable. À chacun de doser en fonction des résultats et de l’effort que cela représente pour la personne.
Le repas doit être associé autant que possible à un moment positif, à une expérience agréable. Le vécu positif de la situation entraînera moins de réticence de la part de la personne avec TSA envers les repas.
L’utilisation de renforçateurs alimentaires ne devrait pas être systématique et doit être utilisée avec une vigilance portée sur la qualité et la quantité afin d’éviter les problématiques alimentaires pouvant être engendrées par ces renforçateurs. Par exemple, donner une tablette de chocolat à chaque fois que la personne arrive à s’habiller seule n’aura pas le même impact que si le renforçateur est une miette de chips. L’impact sur la santé de l’utilisation du renforçateur est à prendre en compte.

Pour en savoir plus

Références

  1. Guide Alimentation et bien-être / Autisme, des enfants bien dans leur assiette, Anne Claude Luisier, Groupe Apricil, Institut Paul Bocuse, Recherche Science et Innovation collaboration avec le Centre de recherche de Neurosciences de Lyon, l’Université de Fribourg et l’Université Claude Bernard Lyon 1, octobre 2020.
  2. Recommandations de la Haute Autorité de santé (HAS), Trouble du spectre de l’autisme Signe d’alerte, repérage, diagnostique et évaluation chez l’enfant et l’adolescent. Fév. 2018.
  3. Volkert, V.M. and Vaz, P.C. (2010) Recent Studies on Feeding Problems in Children with Autism. Journal of Applied Behavior Analysis, 43, 155-159.
  4. Recommandations de la Haute Autorité de santé (HAS) Trouble du spectre de l’autisme : interventions et parcours de vie de l’adulte, Déc. 2017.

Définitions

  • * « Comportements-défis » : comportements qui déstabilisent à des degrés divers la personne qui en est victime et ses proches (aidants familiaux et/ou professionnels).
  • * La néophobie alimentaire : la néophobie alimentaire est la peur de goûter de nouveaux aliments. Elle touche surtout les enfants de 2 à 10 ans. Cette crainte est banale, chacun de nous a éprouvé cette réticence à mettre dans sa bouche un aliment inconnu. Cette peur correspond généralement à un stade de développement de l’enfant, mais chez la personne présentant un TSA, elle peut durer dans le temps.
  • * Renforçateur : processus par lequel une conséquence agréable rend un comportement plus probable (renforçateurs alimentaires, sociaux, matériels…)

Outils

Vidéos

Contributeurs

Cette fiche a été co-construite à l’initiative de la fondation OVE dans le cadre de son projet Hand’Alim et validée par le groupe de travail HandiConnect.fr « Autisme – suivi diététique » dont les membres sont :
Rédacteur : Jérémie Pelet (diététicien nutritioniste, Fondation OVE).

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Première publication : Mars 2023

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