N°H05

Polyhandicap et avancée en âge : les points de vigilance clinique

Version : octobre 2025
La présente fiche traite des particularités du vieillissement chez les personnes polyhandicapées. Elle complète la série de fiches HandiConnect.fr sur le polyhandicap. Une fiche HandiConnect.fr sur le vieillissement chez les personnes avec paralysie cérébrale est également disponible.

Une problématique émergente

Le polyhandicap constitue une façon très spécifique d’être au monde, avec des particularités médicales qui s’aggravent avec l’âge. Le vieillissement de ces personnes est prématuré du fait de l’intrication complexe des multiples pathologies, préexistantes et nouvelles.

Les critères usuels de gériatrie ne sont pas adaptés au polyhandicap. En effet, le vieillissement de la personne polyhandicapée diffère du vieillissement « standard » et présente des aspects spécifiques.

Une vigilance permanente est nécessaire pour prévenir les complications et éviter la dégradation de l’état de santé.
Le vieillissement entraîne une majoration de la sévérité du polyhandicap. L’évolution de la sévérité du polyhandicap avec l’âge peut être objectivée par le médecin par l’Échelle de Sévérité du Polyhandicap afin de permettre un suivi adapté des besoins de soins et d’accompagnement.

Sur le plan somatique

Besoin d’une approche coordonnée avec le réseau de soins local, et les hôpitaux de proximité.
Tous les points évoqués dans la fiche HandiConnect.fr H01  Polyhandicap : les points de vigilance clinique s’aggravent et sont à surveiller, et plus particulièrement :

Troubles respiratoires

Encombrement et infections itératives (première cause de décès), avec risque de désaturation rapide.

  • Vigilance respiratoire continue, kinésithérapie,
  • Prévention vaccinale : grippe, COVID, pneumocoque, VRS, coqueluche,
  • Détection de l’aggravation des troubles de la déglutition pour prévenir les fausses routes alimentaires,
  • Mesures de la saturation, appoint en oxygène si désaturation.

Troubles orthopédiques et rhumatologiques

Aggravation des rétractions musculaires, des déformations orthopédiques, de l’ostéoporose, apparition d’arthrose… pouvant générer troubles posturaux, douleurs, fractures, complications viscérales respiratoires ou digestives, cutanées, neurologiques (myélopathie cervicarthrosique).
  • Kinésithérapie en continu (toute la vie),
  • Activité physique régulière avec mouvements actifs si possible,
  • Verticalisation,
  • Poursuite de la prise en charge de la spasticité,
  • Révision/optimisation des appareillages de positionnement et de locomotion,
  • Optimisation des transferts,
  • Mobilisation/ changements de position réguliers.

Appareil digestif et état nutritionnel

Dégradation de la motricité bucco-faciale, de l’état bucco-dentaire, apparition/majoration de troubles de déglutition avec risques accrus de fausses routes, de malnutrition, reflux gastro-œsophagien, gastrite, constipation/fécalomes, déshydratation.
  • Adaptation continue des conditions alimentaires et nutritionnelles (si besoin envisager gastrostomie),
  • Recherche d’Helicobacter pylori si signes d’appel. Si sérologie positive, préférer la recherche des antigènes dans les selles, en raison du caractère invasif de l’endoscopie.
  • Si œsophagite connue, penser à dépister le cancer du bas œsophage.
  • Surveillance du poids et de l’IMC et surtout de leurs évolutions, et surveillance biologique.

Douleur : y penser toujours !

La plainte douloureuse (souvent digestive ou neuro-orthopédique, mais toute autre cause est possible, ORL, dentaire, lithiasique, etc.) est parfois absente ou mal interprétée, par habituation ou difficultés de communication.

  • Adapter le mode d’évaluation (échelles d’hétéroévaluation) pour rechercher et qualifier la douleur et pour surveiller l’efficacité thérapeutique,
  • Penser aussi aux traitements non médicamenteux de la douleur, comme application de chaud ou de froid, la relaxation…

Épilepsie

Possibilité d’aggravation intrinsèque ou de recrudescence des crises en lien avec un facteur de décompensation : douleur de toute origine, infection (pulmonaire ou urinaire par ex.) constipation, iatrogénie, à rechercher.

  • Surveillance attentive de la fréquence des crises, tenue du cahier d’épilepsie,
  • Dépistage des effets secondaires des antiépileptiques.

Appareil urinaire

Infections urinaires et lithiases, rétention chronique.

  • Échographie vésico-rénale annuelle de dépistage surtout si tendance rétentionniste,
  • Suivi régulier de la fonction rénale car sujets polymédiqués à vie, par dosage de la cystatine C compte tenu de leur très faible masse musculaire,
  • Avis neuro-urologique si besoin.

Autres problèmes somatiques

Liés à l’étiologie du polyhandicap (maladies rares métaboliques…)
Liés à la iatrogénie médicamenteuse au long cours.
  • Dépistage des déficits visuels et auditifs
  • Dépistage des cancers : tous ceux qui sont liés au vieillissement, en tenant compte de facteurs de risques accrus (possibles antécédents familiaux…) et spécifiques (bas-œsophage, estomac, testicules, vessie).

Et en fin de vie ?

Permettre autant que possible à la personne de vivre jusqu’au bout « chez elle ».

Si nécessité de soins palliatifs, éviter la délocalisation de la personne en recourant à une HAD ou à une équipe mobile, par coopération entre l’équipe mobile et l’établissement médico-social.

Sur les plans psycho-affectif et cognitif

Souffrance psychique générée par la dégradation de l’état de santé physique, l’augmentation des consultations médicales et des soins, la confrontation aux pertes (deuils familiaux, institutionnels), les séparations, la diminution des retours au domicile des parents, l’altération de la communication (liée à l’aggravation des déficits moteurs).
Besoins affectifs majorés.
Les signes d’alerte incluent des changements comportementaux : retrait, inhibition, agitation, changements d’humeur, troubles alimentaires, troubles du sommeil…
  • Psychothérapie de soutien adaptée aux capacités de la personne,
  • Verbalisation/communication : mettre des mots sur les pertes, les difficultés nouvelles, adapter les moyens de CAA,
  • Stimulation cognitive, activités en adéquation avec les capacités/envies actuelles,
  • Liens sociaux et affectifs à soutenir.

Sur le plan socio-familial

Sensibiliser les équipes :

Le vieillissement de la personne polyhandicapée retentit fortement sur les aidants, pouvant générer troubles anxio-dépressifs, épuisement et sensation d’isolement, sentiment d’impuissance face à l’aggravation de l’état général ou aux décompensations brutales, difficultés de maintien des liens liées à l’évolution des pathologies et au vieillissement des proches eux-mêmes.

Accompagnement des aidants (familiaux en particulier)

Pour en savoir plus

Documentation

Outils

Associations

Contributeurs

Cette fiche a été co-construite et validée par le groupe de travail HandiConnect.fr « Polyhandicap et vieillissement » dont les membres sont :
Marie-Agnès Bouthier (parent), Alain Bouthier (parent), Stéphane Carnein (chef de pôle de gériatrie et de médecine, personnes en situation de handicap – Centre Départemental de Repos et de Soins de Colmar), Hélène Frenkiel-Lebossé (coordinatrice HandiConnect.fr, Coactis Santé), Luis Gameiro (Psychologue clinicien, formateur CESAP Paris), Nina Hadj-Saadi (cheffe de service paramédical, Association Les Tout Petits, MAS des Molières, 91), Bruno Pollez (Médecin de Médecine Physique et de Réadaptation (MPR), Groupe Polyhandicap France), Marie-Christine Rousseau (MPR, responsable de la recherche pour la fédération du polyhandicap, APHP, CEReSS Marseille).

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Première publication : octobre 2025