N°F05 – Douleurs – Tous handicaps – Tous professionnels de santé

Prévention de la douleur des soins chez la personne dyscommunicante

Version : novembre 2022

Les sujets abordés dans cette fiche:

  • Qu’est qu’une douleur procédurale ou douleur liée aux soins ?
  • Quels sont les soins potentiellement douloureux ou anxiogènes ?
  • Quels médicaments et moyens non pharmacologiques pour prévenir ces douleurs ?
  • Les personnes présentant un Handicap Psychique, un Trouble du Développement Intellectuel (TDI), un Trouble du Spectre de l’Autisme (TSA), un Polyhandicap ont des difficultés à communiquer verbalement, à exprimer leurs ressentis, leurs besoins. Soit du fait d’un défaut de mobilisation des facultés intellectuelles, soit du fait d’une déficience de celles-ci.
  • En quoi la prise en charge de la douleur des soins est particulière chez la personne dyscommunicante ? La douleur, la contention lors du soin impriment fortement la mémoire de ces personnes qui ne peuvent élaborer seules de stratégie cognitive pour limiter l’anxiété lors d’un soin à venir. Dans ce contexte de vulnérabilité, d’impossibilité d’élaborer et de comprendre, douleur et contention nécessitent encore plus de prévention.
  • La prévention de la douleur des soins a pour objectif de limiter l’inconfort, la douleur, l’anxiété, sources de phobies des soins. Elle vise à rompre la spirale « peur-douleur ».

Les douleurs provoquées par les soins ou douleurs procédurales

Mécanismes

C‘est une douleur par excès de nociception (stimulation des nocicepteurs périphériques). La chirurgie (rachis, thorax notamment) est pourvoyeuse de douleurs neuropathiques séquellaires (douleur de déafférentation).
Prévention et prise en charge en consultation de pré-anesthésie et « consultation douleur ».

Expression de la douleur chez la personne dyscommunicante

Sensibilité et réactivité à la douleur variables et pouvant être modifiées par les traitements.
Expression de la douleur atypique (troubles du comportement, latence d’expression, apparente inexpressivité).
Composante anxieuse constamment associée.

Évaluation de la douleur induite par les soins

C’est une obligation légale. Elle doit être tracée dans le dossier du patient.
L’évaluation de la douleur est l’affaire de tous, soignants et entourage.
Face à des personnes dyscommunicantes ne pouvant évoquer l’intensité de leur douleur, choisir une échelle d’hétéro-évaluation de la douleur aiguë : FLACC modifiée (<18 ans) ou GED-DI ; DESS pour les équipes habituées connaissant la personne, ou en post-opératoire.

Les soins potentiellement douloureux et/ou anxiogènes chez ces personnes

Beaucoup de ces soins sont banalisés, source de douleurs récurrentes et de phobies.

Nursing

  • toilettes : retournements, appuis, plaies, déclenchement de douleurs neuropathiques (contact avec une zone d’allodynie)
  • brossage des dents
  • transferts
  • prises des repas

Actes infirmiers

  • prise de sang, IM
  • soins de cicatrices ou d’escarres
  • pose d’une sonde nasogastrique+++ (c’est un des soins les plus douloureux)
  • changement de bouton de stomie
  • sondage urinaire, …
  • prélèvements nasaux (tests diagnostic COVID, tests BMR)
  • vaccination

Actes de rééducation

  • toilettes : retournements, appuis, plaies, déclenchement de douleurs neuropathiques (contact avec une zone d’allodynie)
  • brossage des dents
  • transferts
  • prises des repas

Adaptations et port des appareillages

  • orthèses dont corsets, chaussures orthopédiques, attelles ; verticalisateurs
  • corset-siège
  • matelas moulé ; mousses de lit

Soins bucco-dentaires

Suites de chirurgie orthopédique, digestive, …

Injections de toxine botulique (glandes salivaires, muscles)

Clés pour la prévention de la douleur des soins

Avant le soin

  • Anticiper, autant que faire se peut, en particulier pour des soins répétés
  • Choisir, si possible, un endroit calme, distinct des lieux dédiés au bien-être de la personne
  • Privilégier la position assise, moins anxiogène
  • S’adresser directement à la personne en la nommant et ne pas la toucher sans son autorisation
  • Informer sur le déroulé du soin
  • S’assurer de la compréhension en demandant à la personne de reformuler (quand c’est possible)
  • Utiliser des mots et phrases simples ; éviter les métaphores
  • Rechercher, par différents moyens, l’adhésion de la personne
  • Prioriser les soins, différer un soin non urgent pour la santé de la personne
  • Regrouper les soins
  • Choisir en équipe, avec la personne et son proche-aidant, la méthode non pharmacologique, l’antalgie, les anxiolytiques et sédatifs
  • Prévoir un « joker » de distraction (fonction des centres d’intérêt, du renforçateur) si le soin se passe mal et ne peut être arrêté

Pendant le soin

  • Requérir la présence d’un proche, d’un professionnel rassurant
  • Bannir les mots négatifs ou suggérant la douleur ou la peur « ne t’inquiète pas, ça ne fait pas mal » remplacé par « sois rassuré, tu vas être soulagé »
  • Stopper un soin qui se déroule mal. Réévaluer les moyens de prévention de la douleur
  • Éviter toute contention forte, source de détresse et de phobie
  • Faire des courtes pauses si nécessaire

Quelles sont les méthodes non pharmacologiques ?

Pas de méthodes non pharmacologiques sans médication antalgique. Elles visent à modifier la perception désagréable de la douleur et à réduire l’anxiété, qui est majeure chez ces personnes.
  • La diversion, la distraction : conversation, jeu, musique, odeur, images, bulles de savon, …
  • La communication thérapeutique : le langage verbal et non-verbal, la reformulation, l’empathie et l’écoute s’adaptent aux réactions de la personne.
  • La respiration, la relaxation
  • Le toucher-massage
  • Les objets de réassurance : doudou chez l’enfant, objet fétiche

Particularités à prendre en compte pour le choix de la méthode

  • Hyper ou hyposensibilité sensorielle : vision, ouïe, toucher, goût, odorat, vestibulaire, proprioception, thermoception
  • Mode(s) de communication
  • Préférences :
    • Lieux ressourçants / anxiogènes
    • Objets ou personnes rassurants
  • Expériences antérieures de douleur : souvenirs du patient, du proche aidant
  • Compétence cognitive et distraction : La déficience intellectuelle profonde n’est pas un obstacle à l’utilisation de cette méthode. Avec des personnes porteuses de TSA, de Handicap psychique, il peut être impossible voire dangereux de les éloigner de la réalité.

Antalgie, sédation, anxiolyse : comment choisir ?

Règles de prescription, effets secondaires, interactions médicamenteuses.

Antalgie

Tout soin invasif doit être associé à une prescription d’antalgiques locaux, quels que soient le geste ou la personne et éventuellement d’un anxiolytique ou d’un sédatif (dont LE MEOPA).
Les antalgiques de palier I sont inefficaces pour prévenir de la douleur des soins.
Des antalgiques de palier III sont prescrits avant des soins étendus, prolongés ou si douleur potentielle > 6

Antalgiques locaux

Respecter le délai nécessaire entre pose ou injection de l’antalgique et son pic d’efficacité.

Lidocaïne

Effet rapide (1’) et prolongé (~1h)

Crème anesthésiante lidocaïne-prilocaïne

Anesthésiant de surface. Attendre 1h entre l’application et le geste pour une anesthésie de 3 mm de profondeur, 2h pour 5 mm. Effet prolongé : 1 à 2h.

Antalgiques de palier III ou Opioïdes forts : Morphine, Fentanyl, Hydromorphone, Oxycodone, Nalbuphine IV ou IR

Sédation, anxiolyse

Les effets des sédatifs, anxiolytiques et psychotropes se potentialisent. Sédation et anxiolyse s’administrent sous surveillance étroite de la réactivité du sujet (contact verbal, tactile).

Mélange Équimolaire Oxygène Protoxyde d’Azote (MEOPA)

Entraîne sédation légère, analgésie principalement de surface, anxiolyse, amnésie partielle et euphorie. C’est une sédation consciente et non une anesthésie générale : c’est le traitement de référence de la douleur des soins.
Utilisable par tout soignant formé, sur prescription médicale.
Délais d’efficacité et de réversibilité ~3’.
Indications : gestes de courte durée.

Midazolam

Per os ou intra-rectal ; usage réservé aux équipes formées.

Hydroxyzine : anxiolytique

Délai d’action : 1h.
Possible effet paradoxal avec agitation.

Mélatonine à libération prolongée

hors AMM (études en cours).
À donner au minimum 2h avant le soin, sous surveillance.
Par exemple :
  • Enfant de 2 à 18 ans : 1 à 2 mg
  • > 18 ans : 2 à 5 mg
Parfois, ne pas hésiter à recourir à l’Anesthésie Générale (AG).

Pour en savoir plus

Documentation

Les échelles d'évaluation

Les soins douloureux

Les méthodes non-pharmacologiques

Outils

Contributeurs

Cette fiche a été co-construite et validée par le groupe de travail HandiConnect.fr « Douleurs des personnes dyscommunicantes » dont les membres sont :

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Première publication : aout 2021