N°S07b – Repères pour le suivi médical global – Tout handicap – Tous professionnels de santé

Les violences faites aux mineurs en situation de handicap

Version : décembre 2021
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Constat

Les personnes en situation de handicap sont davantage victimes de violence et particulièrement les enfants.

La situation de handicap accroît le risque de violences

Les enfants en situation de handicap :
  • Près de 3 fois plus de risque d’être victimes de violences sexuelles que les enfants dans leur ensemble (en population générale, une fille sur cinq et un garçon sur treize victimes de violences sexuelles – agression sexuelle ou viol – avant leurs 18 ans)1
  • 3,6 fois plus de risque d’être victimes d’actes de violence physique qu’un enfant sans handicap
  • Enfant avec déficience intellectuelle : risque 4, 6 fois + élevé de subir des violences sexuelles vs population générale et 6 fois + pour les filles2
  • 88% des femmes autistes ont déclaré avoir subi une ou plusieurs agressions sexuelles dont 47% avant l’âge de 14 ans et 31% avant l’âge de 9 ans3
  • 4 fois plus d’enfants en situation de handicap à l’Aide Sociale à l’Enfance (ASE) que dans la population générale4
  • 8% des élèves en situation de handicap en France se déclarent victimes de harcèlement avéré dans les deux mois précédents (vs 5,3% en population générale) et particulièrement les filles (9,2% vs 5,5%)5

Combattre les idées reçues

« Tu ne sais pas déjà mettre tes chaussures, comment tu peux savoir que quelqu’un t’a fait mal ! »

« Ce n’est pas grave, il est jeune et déficient, il va oublier… »
« Il ne comprend pas bien, il n’y aura pas de conséquences… »
  • Il faut lutter contre les stéréotypes liés au handicap (parole moins crédible, accumulation des discriminations…) > un enfant est d’abord un enfant avant d’être en situation de handicap
  • Famille = lieu où s’exerce la grande majorité des violences
  • Le terreau le plus important de toutes les violences futures est la violence faite dans l’enfance

Les violences, de quoi parle-t-on ?

Les enfants sont victimes des mêmes violences que les adultes :

  • Violences psychologiques : menaces, contrôle, pressions psychologiques, humiliations, dénigrements, harcèlement, manipulations, contraintes, utilisation de la situation de handicap
  • Violences physiques : atteintes à l’intégrité corporelle, violences avec ou contre des objets
  • Violences sexuelles : viol, tentative de viol, tentative ou agression sexuelle, voyeurisme, exhibitionnisme, mutilation sexuelle, harcèlement sexuel
  • Violences verbales : injures, hurlements, silences

Les violences sont le plus souvent commises par des personnes que l'enfant connaît, sous couvert « d’éducation, de soins, de jeux, d'amour » :

  • Violences intra familiales : dont les violences sexuelles incestueuses (frère, sœur, parents, enfants); les enfants témoins de violences conjugales sont aussi victimes
  • Harcèlement scolaire : remarques répétées pouvant aboutir à des violences verbales, physiques et psychiques, très souvent banalisées
  • Violences éducatives : violence (physique, psychologique ou verbale) utilisée envers les enfants communément admise et tolérée : claque, fessée, tape, humiliation, chantage affectif, maltraitance affective, mépris, insuffisance ou absence de soins et ou d’affection
  • Violences institutionnelles : dans le cadre du soins (absence d’écoute, d’évaluation de la douleur, de recherche du consentement libre et éclairé avant tout acte de soins…), dans le cadre des règles de fonctionnement (non prise en compte du choix et des besoins de l’enfant) sans oublier les violences sexuelles subies en institution
  • Violences sociales : exclusion de l’enfant de la scolarité, d’un centre de loisir, des activités sportives…
  • Cyber violences : usage des outils numériques (téléphones portables, internet, …) pour surveiller, contrôler, humilier

Ces formes de violences sont multiples et le plus souvent se cumulent :

  • Violences psychologiques : menaces, contrôle, pressions psychologiques, humiliations, dénigrements, harcèlement, manipulations, contraintes, utilisation de la situation de handicap (ex : confiscation par un tiers de la canne de déplacement d’une personne non voyante, dévalorisation de la personne du fait de son handicap « tu ne comprends jamais rien », « tu comprends ce qui t’arrange » à une personne sourde qui n’a pas accès à toutes les informations (discussion, communication téléphonique, entretien médical, etc…)).
  • Violences sexuelles : viol, tentative de viol, agression sexuelle, atteinte sexuelle, voyeurisme, mutilation sexuelle, harcèlement sexuel, rites initiatiques humiliants…
  • Violences physiques : atteintes à l’intégrité corporelle, violences avec ou contre des objets, (ex : gestes inadaptés au moment des soins).
  • Violences verbales : injures, hurlements, silences.
  • Violences liées à la parentalité : dévalorisations du rôle parental du fait du handicap.
  • Violences économiques : privation de ressources, de l’autonomie financière.
  • Violences administratives : confiscation de documents (carte nationale d’identité, livret de famille, carnet de santé…).
  • Cyber violences : usage des outils numériques (téléphones portables, internet, …) pour surveiller, contrôler, humilier.
Toutes les formes de violences sont interdites par la loi, ainsi que leur non-dénonciation.
Le handicap de la victime est une circonstance aggravante.

Points de vigilance handicap :

  • Risque d’infantilisation/de mise en doute de la parole : une intimité pas toujours respectée, des difficultés à s’exprimer, à percevoir, à répondre ou encore à comprendre l’intention de l’autre, des adolescents considérés comme des « petits enfants » en cas de dépendance physique…
  • Risque de soumission : l’enfant rencontrant des difficultés pour faire les gestes du quotidien est régulièrement soumis aux injonctions de l’adulte ou de l’éducateur. Cette soumission-domination peut amener ce futur adolescent puis adulte à être plus facilement sous l’emprise d’un agresseur
  • Risque de peur de représailles des familles n’osent pas dénoncer des violences subies en institution
  • Risque d’épuisement des aidants
  • Risque de mettre à tort, sur le compte du handicap, les symptômes post-traumatiques qui résultent des violences (ex : crise qui ressemble à une crise d’épilepsie, changement brusque de comportement, automutilation…)

Comment repérer les violences ?

Les violences concernent tous les milieux sociaux et tous les âges.

Signes d'alerte :

  • Un changement de comportement soudain, des réactions de passivité ou d’agressivité à l’examen de certaines parties du corps…
  • Etat d’hyper vigilance malgré l’absence de danger imminent, état dépressif avec risque de suicide, troubles du comportement alimentaire, troubles du sommeil/cauchemars, troubles de l’attention et de la concentration, conduites addictives (médicament, alcool, drogue, tabac, psychotrope…) et ou des conduites à risques (mise en danger, jeux dangereux, automutilation), comportements inadaptés et/ou disproportionnés envers les autres, y compris comportement sexuel, déconnexion de ses émotions (l’enfant parait indifférent)
  • Pleurs, cris, signes de souffrances, enfant prostré, phobies (alimentaires, vis-à-vis d’une personne)…
  • > Ces signaux font partie des troubles pshycho-traumatiques *

* Troubles psycho-traumatiques :

Le cerveau des enfants est particulièrement vulnérable à toutes les formes de violences et d’autant plus dans un contexte de handicap.

Une situation émotionnelle incontrôlable, un stress extrême peuvent entrainer une « disjonction » du cerveau :

  • Une anesthésie psychique et physique/sidération : l’enfant peut être dans l’incapacité de parler, bouger. Il est tétanisé, immobile, silencieux
  • Une dissociation : conscience altérée, impression d’être spectateur de lui-même
  • Une mémoire traumatique : certaines scènes ou sensations négatives stockées dans la mémoire de la victime mais ne sont pas traitées et analysées par le cerveau

> Un des symptômes fréquents est celui de l’automutilation qui est toujours mis sur le compte du handicap.

Comment poser la question ?

Plus on pose des questions, plus on protège la personne !
  • « Est-ce qu’on t’a fait ou fait faire des choses que tu as trouvées gênantes, embêtantes, qui t’ont mis mal à l’aise, qui t’ont dégouté ? »
  • « Est-ce qu’on t’a touché à ces endroits (en les désignant ou en les nommant avec les mots simples de l’enfant)? »

Que faire quand l'enfant s'exprime difficilement ou différemment du fait de son handicap ?

  • Être attentif au langage corporel, au changement de comportement
  • Recourir à des supports pédagogiques, histoires (contes), rédigés en facile à lire et à comprendre ou avec ses outils de communication habituels (images/pictos/supports numériques…), pour permettre d’engager un dialogue sur les notions d’emprise et de consentement ; aborder le sujet en posant la question pour d’autres personnes de son entourage (l’enfant a peu conscience d’être lui-même une victime)
  • Recourir à des outils comme la « Météo de l’humeur » avec des émoticônes

Écouter et croire l'enfant

« Je te crois/Tu as bien fait de m’en parler/Tu n’y es pour rien/L’agresseur est le seul responsable/La loi interdit et punit les violences »
  • Respecter le temps de l’enfant, lui expliquer, choisir des mots adaptés, ne pas forcer une réponse, lui parler directement, sans jugement
  • Évaluer le danger pour l’enfant : réitération des violences, menaces de mort, danger de suicide ou d’accident par conduite à risque : « As-tu des idées noires ? » « As-tu parfois envie de te faire du mal ? de mourir ? »

Que faire en cas de violences sexuelles et physiques ?

Protéger

  • Mettre l’enfant hors de danger (vis-à-vis de l’agresseur ou de lui-même)

Signaler

  • Remplir un certificat médical ou une attestation en vue d’un signalement au Procureur de la République > Le certificat médical pour examen clinique et étayer le signalement est fait par un médecin (voir modèle ici)

Orienter :

  • En cas de danger imminent/révélation de danger -> le viol est une urgence médicale (prévention, soins psychiques et somatiques, recueil de preuves médico-légales) :
  • En cas de doute
Veiller à ce que la prise en charge se fasse selon la situation de handicap et sans interruption de ses traitements (épilepsie, diabète, …)

Pour en savoir plus

Sources

  •  Rapport de situation sur la prévention de la violence dans le Monde Organisation Mondiale de la Santé, 2014
  •  A national survey on violence and discrimination among people with disabilities, J. Dammeyer, 2018
  •  Travaux de recherche du congrès de l’encéphale 2019 – Paris, par le Dr David Gourion, Mme Séverine Leduc et Mme Marie Rabatel
  •  Rapport « Handicap et protection de l’enfance » 2015 – Le Défenseur des Droits
  •  5 Rapport International Spotlight on Adolescent Health and Well-being. Findings from the 2017/2018 Health Behaviour in School-aged Children (HBSC) survey in Europe and Canada, (Inchley et al., 2020)

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Cette fiche a été co-construite et validée par le groupe de travail HandiConnect.fr « Lutte contre les violences » dont les membres sont :

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Première publication : Décembre 2021