N°F11

La personne handicapée vieillissante : définition, points de vigilance

Version : septembre 2025

Définition et spécificités

Une personne handicapée vieillissante est une personne qui a entamé ou connu sa situation de handicap, quelle qu’en soit la nature ou la cause, avant de connaître par surcroît les effets du vieillissement jusqu’à entraîner une réduction du champ des activités, notamment sociales.

Effets du vieillissement : baisse supplémentaire de capacités fonctionnelles déjà altérées + augmentation du taux de survenue des maladies liées à l’âge (maladies dégénératives, maladies métaboliques…).

D’une manière générale, le vieillissement en lui-même n’est pas la cause de la perte d’autonomie, ce sont les pathologies dont la fréquence et le nombre augmentent avec l’âge qui en sont la cause. Il faut les rechercher et les traiter (Bouchon, 1984).

L’allongement de l’espérance de vie des personnes en situation de handicap est un phénomène de grande ampleur apparu depuis les années 1990. Les personnes handicapées arrivent aujourd’hui à des âges inédits.

Spécificités de l'avancée en âge pour les personnes en situation de handicap

Enjeux : prévention et dépistage

Objectif : bien vieillir

Un accès à la santé souvent moindre qui peut grever le capital de départ

  • Un vieillissement polymorphe à l’image des différentes situations de handicap (physique, mental, psychique, sensoriels, polyhandicap…)
  • Des effets du vieillissement habituels mais aussi des effets spécifiques liés à chaque handicap (cf. fiches à paraitre)
  • Une réserve physiologique diminuée dès le départ et donc une « marge de sécurité » moindre
  • Un amoindrissement des capacités fonctionnelles (physiques, sensorielles, cognitives, sociales, …) potentiellement précoce. Parfois moins perceptible ou difficilement exprimé.
  • Un âge physiologique qui prédomine sur l’âge chronologique
  • La nécessité de s’en préoccuper tôt, avant un âge « gériatrique », et possiblement dès 40 ans

Points de vigilance / conduite à tenir

Trois profils de vieillissement :

Profil robuste

Bien vieillir et éviter le passage à la fragilité

Robuste = Avancée en âge avec maintien ou atteinte très modérée des capacités fonctionnelles

  • Équilibre alimentaire (apports protéiques, vitaminiques, fibres…)
  • Exercice physique adapté (risque de surpoids)
  • Maintien des capacités manducatoires
  • Hygiène buccodentaire => corrélation entre espérance de vie et santé bucco-dentaire (cf. En savoir plus)
  • Vaccinations
  • Entretien des capacités fonctionnelles par leur exercice dans la vie quotidienne (« ce qui n’est pas exercé se perd »)
  • Protection du sommeil (installation, environnement rassurant, limitation des perturbateurs, ritualisation, limitation des écrans…).
  • Entretien de la vie sociale +++

Et aussi : faire les mêmes dépistages systématiques que ceux effectués dans la population générale : sensoriels (audition, vue), cancers (sein, col de l’utérus, prostate, peau, côlon).

Mais également dépister des pathologies endocriniennes asymptomatiques (dysthyroïdie, diabète), cardio-vasculaires (hyper/hypotension artérielle).

Profil fragile

Agir pour prévenir la transformation pathologique ou revenir à un profil robuste

Fragilité = État potentiel de vulnérabilité, distinct de la pluri-pathologie et des incapacités à accomplir des activités de la vie quotidienne

Critères de fragilté

Perte de poids involontaire supérieure à 10% du poids sur 1 an, perte d’appétit, réduction des ingesta, faiblesse musculaire, ralentissement de la mobilité, sédentarité, réduction des activités, asthénie, vulnérabilité au stress, diminution des activités sociales et des capacités fonctionnelles, changements dans l’environnement pouvant démasquer une perte d’acquisitions.

Dépister

  • Des pathologies fréquentes peu symptomatiques ou à symptômes atypiques Arthrose cervicale – notamment chez les personnes dystoniques ou spastiques – avec conséquences radiculaires ou médullaires, RGO, syndrome d’apnées du sommeil, ostéoporose, diabète, surdité, troubles cognitifs, troubles du sommeil, chutes, douleur, dépression, autres pathologies psychiatriques,…
  • Des pathologies plus spécifiques à chaque type de handicap Ex : cancer du bas œsophage et polyhandicap avec RGO et œsophagite chronique, maladie d’Azheimer et trisomie 21, troubles digestifs et paralysie cérébrale, etc.

Corriger les facteurs de risques de pathologies (prévention secondaire)

  • Rééquilibrer l’alimentation pour prévenir ou corriger la dénutrition
  • Eliminer les toxiques
  • Mettre en place un traitement correcteur (ex. : HTA)
  • Renforcer les rééducations fonctionnelles (par ex. rééducation orthophonique de troubles de la déglutition)
  • Mettre en place les aides techniques nécessaires (lunettes, appareils auditifs, prothèses dentaires, aides de déambulation, orthèses, communication alternative, …)

Profil pathologique

Diagnostiquer les pathologies et maintenir les capacités

Pathologique = Apparition de pathologies chroniques incapacitantes à l’origine de « perte d’autonomie ». Autres syndromes gériatriques : dénutrition, confusion,
chutes / perte de mobilité, dépression, incontinence, amoindrissement des capacités
fonctionnelles, ralentissement, fatigabilité accrue…

Devant tout changement de comportement, notamment chez une personne dyscommunicante, suspecter une douleur et/ou une pathologie aiguë

  • Rétention urinaire / Constipation
  • Infection
  • Problèmes dentaires +++
  • Pathologie cutanée (mycose, eczéma, allergie, plaie – ulcère, escarre, …)
  • Arthrose cervicale / hanche / genou
  • RGO avec oesophagite / ulcère / mycose oropharyngée
  • Syndrome d’apnées du sommeil (75% des adultes porteurs de trisomie 21)
  • Diabète décompensé
  • Dysthyroïdie symptomatique
  • Épilepsie (de novo ou mal équilibrée)

La douleur

Elle peut empêcher l’expression des symptômes et donner lieu à des troubles du comportement. Si la clinique ne permet pas de déceler une pathologie aiguë, proposer un traitement antalgique pour démasquer éventuellement d’autres symptômes ou simplement rendre possible l’examen clinique.

Toute modification du comportement n’implique pas systématiquement une hospitalisation en psychiatrie : chercher et traiter la cause des troubles du comportement. Pour les personnes dyscommunicantes qui ne peuvent dire ni où ni comment elles ont mal : voir la fiche HandiConnect.fr F03  Douleurs de la personne dyscommunicante : les repérer, les évaluer

Différer autant que possible la perte de capacités

Rééducations (déglutition, limitation des raideurs et rétractions, capacités fonctionnelles motrices, gestuelles, locomotrices, modalités de communication…). Préserver les capacités manducatoires.

Limiter les complications et corriger les facteurs de handicap « de situation » (prévention tertiaire)

  • Réévaluation régulière de l’ordonnance : attention à la polymédication, attention à l’effet à long terme des neuroleptiques, bénéfice/risque, éviter le risque iatrogène
  • Suivi et adaptations nutritionnelles +++ (texture, présentation des aliments,…) en tenant compte de l’impact éventuel des capacités cognitives de la personne sur la compliance
  • Réévaluation régulière de la mobilité, de l’installation si mobilité réduite
  • Adaptation du lieu de vie habituel, des modalités professionnelles (le cas échéant) et de l’environnement social.
  • Être attentif à ce qui s’est passé dans la vie de la personne (déménagement, perte des proches, retraite…)
  • Prise en compte de changements dans le personnel d’accompagnement du quotidien

Quel est le profil de mon patient ?

Les échelles de repérage : apprendre à s’en servir et ne pas s’y limiter. Sélection d’échelles dans la fiche HandiConnect.fr F11c  Évaluer le profil d’une personne handicapée vieillissante : sélection d’outils
En cas de doute, ne pas hésiter à s’appuyer sur une équipe spécialisée.
  • Importance du regard de l’entourage dans le dépistage du vieillissement,
  • S’appuyer si nécessaire sur les aidants/référents pour connaitre :
    • les capacités fonctionnelles antérieures et actuelles dans les activités quotidiennes, sociales voire professionnelles,
    • le comportement habituel,
    • l’ état thymique…
  • Faire un bilan des capacités de la vie quotidienne avant signes de vieillissement (par exemple avant 40 ans).

Connaître, chez un patient vivant avec un trouble du développement intellectuel :

  • Le risque accru de fausses routes (troubles cognitifs rendant inopérantes des adaptations de textures éventuellement préconisées, effets indésirables d’une polymédication éventuelle)
  • La présentation atypique des pathologies psychiatriques
  • Chez la femme, l’expression potentiellement atypique des symptômes de la ménopause, pouvant mimer un trouble neurocognitif (agitation, modifications durables du comportement,…)
  • L’impact souvent important des changements dans l’environnement, en particulier humain (professionnels de l’accompagnement du quotidien) :
    • Ils peuvent démasquer une perte d’acquisitions jusque-là compensée par une « sur-adaptation » des accompagnants.
    • Ils doivent être au maximum anticipés et préparés.
  • Le sur-risque de survenue d’un trouble neurodégénératif par rapport à la population générale
  • La nécessité de préparer le bilan des 40 ans par le recueil antérieur systématisé d’informations sur le niveau d’autonomie du patient, les spécificités de sa communication, les facilitateurs pour les consultations, … Ces éléments seront repris dans les différents courriers de liaison indispensables au suivi coordonné.
  • L’existence fréquente d’une mesure de protection juridique : l’identifier et en tenir compte durant les consultations

En pratique, comment faire ?

  • Instaurer un climat de confiance à la première consultation de médecine générale, si nécessaire sans examen cliniqueclinique (consultation « blanche »)
  • Dans un établissement de santé, faire appel au référent handicap en amont de la consultation
  • Créer une alliance avec les aidants (familiaux ou professionnels) pour la mise en place des mesures de prévention et des traitements. Attention à l’âge des aidants familiaux… Proposer un parcours d’aide aux aidants. Consulter les sites ressources.
  • Proposer un traitement antalgique si l’examen n’est pas faisable
  • Expliquer chaque geste possiblement avec des supports visuels (SantéBD / FALC…)
  • Faire un bilan des capacités dès l’âge de 40 ans (pour avoir le comparatif)
  • S’appuyer sur les dispositifs de consultations dédiées pour les situations les plus complexes et/ou une équipe spécialisée handicap + vieillissement (voir la fiche HandiConnect.fr F11b | La personne handicapée vieillissante : quels relais ?)
  • Faire évoluer l’orientation / l’environnement d’aide ou d’hébergement en refaisant le dossier MDA/MDPH. Bien noter l’évolution du retentissement sur les capacités et pas seulement le diagnostic

EN CONCLUSION
Pour tous les profils, importance du maintien des capacités

  • Mettre en oeuvre les mesures de prévention primaire et secondaire tout au long de la vie
  • S’appuyer sur les capacités préservées, valoriser la personne, renforcer l’aide aux aidants ou les remplacer si nécessaire en cas d’impossibilité / décès des parents aidants,
  • Entretenir la vie sociale, prévenir l’isolement et la désinsertion sociale.

Pour en savoir plus

Références

Outils

Sites ressources

Contributeurs

Cette fiche a été construite par le groupe de travail HandiConnect « La Personne Handicapée Vieillissante » dont les membres sont : Dr Geneviève Bourgeois (gériatre, Hôpital Saint Jean de Briare et Maison de l’Autonomie Loiret), Dr Stéphane Carnein (chef de pôle de gériatrie et de médecine, personnes en situation de handicap – Centre Départemental de Repos et de Soins de Colmar), Dr Anaïs Cloppet (gériatre, Gérond’if), Muriel Delporte (sociologue, CREAI Hauts-de-France), Dr Rebecca Haddad (MPR et gériatre, Hôpital Rothschild, Paris), Pr. Claude Jeandel (gériatre, directeur de l’Ecole de Gérontologie Université de Montpellier, ancien président du Conseil national professionnel de gériatrie et conseiller médical de la Fondation Partage & Vie), Dr Stéphanie Miot (gériatre, CHU de Montpellier), Dr Bruno Pollez (médecin physique et réadaptation, association LADAPT, Groupe Polyhandicap France et Coactis Santé), Dr Anne-Sophie Rebillat (gériatre, Institut Jérôme Lejeune, Paris), Dr Catherine Rey-Quinio (médecin inspecteur de santé publique, ARS Île-de-France).

Avec la participation, pour la présente mise à jour, de : Pierre Fenaux (parent expert, UNAPEI), Pauline Pasturel (infirmière en pratique avancée en foyer de vie, Loiret), Kevin Rummel (psychologue clinicien, Centre Départemental de Repos et de Soins de Colmar).

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Première publication : juillet 2024