- Emmanuelle Dal’Secco :
- Bonjour à tous et bienvenue dans ce nouveau webinaire de Coactis Santé sur le thème : Les épilepsies sévères, des pistes pour outiller les professionnels de santé. Il s’adresse à vous, les professionnels de santé. Je suis journaliste, spécialiste du handicap. On est ensemble durant une petite heure. Ce webinaire est traduit en langue des signes française et sous-titré. Vous pouvez poser vos questions en direct sur le Chat, on a deux personnes qui vont répondre. On va s’accorder une dizaine de minutes à la fin du webinaire pour poser vos questions. Il y a à peu près 700 000 personnes en France atteintes d’épilepsie. Pour 30 % d’entre elles, aucun traitement n’est efficace. Comment, quand on est un professionnel de santé, peut-on apporter des réponse pertinentes à cette patientèle ? Vous êtes un peu plus de 1000 personnes à nous suivre aujourd’hui.
Nos intervenantes sont Cécile Sabourdy, le docteur Laure Genet, qui est médecin cordonnateur au sein d’une Maison d’accueil spécialisée. Avant de vous donner la parole, je vais quand même vous expliquer un peu les outils de Coactis Santé.
C’est une association qui a été créée en 2010, qui agit pour améliorer l’accès aux soins et à la santé des personnes en situation de handicap, elle développe des actions de sensibilisation tout au long de l’année et elle s’appuie sur HandiConnect et Santé BD. Santé BD, ce sont des BD destinées à toute personne ayant des difficultés de compréhension. Elles constituent des outils de médiation et de communication avec les patients. Elle permet de conjuguer images et textes simplifiés, le FALC. Le but étant de diminuer les appréhensions du patient et de favoriser la communication. Il y a une cinquantaine de BD traduites en 5 langues.
Sur l’épilepsie sévère, on a deux santé BD qui peuvent s’en approcher, c’est : L’EEG, et la Douleur.
Nous avons également une banque d’images qui sont téléchargeables sur le site Internet de Santé BD. C’est un outil très précieux. Il y a un second outil, plus destiné aux professionnels de santé, c’est HandiConnect.
Cette solution permet de vous outiller, de vous donner des conseils très concrets pour accueillir les patients en situation de handicap. Il permet également une expertise lorsque vous avez besoin d’un conseil de la part de spécialistes. Il y a des fiches qui sont très pratiques, synthétiques, disponibles sur différents thèmes gratuitement. Nous avons 80 fiches. Sur les épilepsies sévères, on en a éditées 5, sur les facteurs de risque et la survenance des crises.
Ces fiches sont rédigées par un groupe pluridisciplinaire. Il y a pas mal de noms. Ça regroupe des professionnels de santé, de l’accompagnement, des associations de personnes handicapées. Voilà pour ce rapide toujours d’horizon des actions de Coactis Santé. On s’est dit que c’était important de donner la parole aux personnes concernées et à leurs proches. On a fait une vidéo avec Françoise Thomas-Vialettes qui est la maman de 3 adultes dont l’aînée a une épilepsie sévère, des troubles du neurodéveloppement, ce qui provoque une épilepsie… Elle s’est engagée dans le milieu associatif pour venir en aide aux enfants et adultes atteints d’épilepsie sévère. Elle est membre de la fédération des EFAPPE épilepsie, elle a créé EPI épilepsie avec d’autres proches aidants.
- Françoise Thomas-Vialettes :
- L’impact le plus évident, ce sont les crises qui perturbent sa vie. Il y a celles que nous voyons, notamment les chutes, qui peuvent provoquer des fractures, elle a aussi des risques de commotion cérébrales. Mais elle ne s’astreint pas au port d’un casque au quotidien. Elle a des crises longues qui peuvent nécessiter un protocole benzodiazépines pour les arrêter. On est passé au buccolam, qui est plus facile à administrer. Ça, ce sont les crises visibles. Il y a aussi les crises qu’on ne voit pas, mais qui perturbent sa vie. Le stimulateur de nerf vague en détecte une quarantaine par jour. Ceci a eu un impact sur son neurodéveloppement. L’épilepsie sévère, c’est tout ça à la fois, les crises, les troubles cognitifs, du neurodéveloppement, la fatigabilité, les stigmates des crises.
Il y a 41 ans, le pédiatre n’a pas compris ce que le papa lui décrivait. Il y a eu un retard de diagnostic. Les généralistes et pédiatres sont en première ligne mais ils n’ont pas vu toutes les formes de crises d’épilepsie, ils ont souvent du mal à comprendre. A chaque nouveau médecin, j’explique la maladie rare de ma fille. Très vite, ma fille ne pouvait plus supporter les médicaments en sirop, qu’elle vomissait, un médecin ne m’as pas prise au sérieux et m’a prescrit du sirop. Il faut prendre au sérieux les difficultés que peuvent avoir ces enfants soumis à médication quotidienne. Lorsque ma fille était toute petite, son pédiatre m’a expliqué comment lui donner le Rivotril qui est très amer, en le mettant au bout d’une cuiller de miel.
C’est maintenant une astuce que je donne aux autres parents.
Filmer, aujourd’hui on a tous un smartphone dans notre poche, ça permet de sauter la barrière des mots. Ça aurait pour notre fille permis un diagnostic plus précoce. Le dialogue avec les parents est indispensable mais ils n’ont pas le vocabulaire médical. Par contre, ils ont un vrai savoir expérientiel qu’il faut utiliser.
Je résumerais en disant : Hypervigilance et anticipation. Je dois pouvoir interrompre ce que je fais instantanément.
Notre vie est aménagée pour diminuer les risques de crise, les conséquences traumatiques possibles et pour être alertés à chaque crise. On est toujours en lien auditif avec elle. On gère les moments les plus délicats comme la douche notamment en étant très proche. On ne sort pas sans emmener du buccolam, il y a toujours le nécessaire pour faire une sieste dans la voiture. On a toujours 24 heures de médicament au cas où. En résumé, on est organisé pour que son épilepsie aie le moins de conséquences graves possibles.
Les chambres d’hôpital ne sont pas sécurisées pour les crises d’épilepsie.
- Emmanuelle Dal’Secco :
- Vous retrouverez l’intégralité du témoignage dans le Chat, on vient de mettre un lien. Docteur Sabourdy, je vais commencer par vous. Donc vous êtes neurologue dans une structure spécialisée dans les épilepsies sévères dans la Drome. Est-ce que vous pourriez nous rappeler ce qu’est l’épilepsie sévère, sa prévalence et les liens avec d’autres pathologies.
- Cécile Sabourdy :
- Avant de parler d’épilepsie sévère, c’est important de partir de ce qu’est l’épilepsie. La maladie d’épilepsie, ce n’est pas que des crises, c’est le fait qu’il existe une maladie sous-jacente, ce sont toutes les conséquences et l’impact sur la qualité de vie. On a des données assez récentes d’une publication qui parle d’environ 680 000 personnes en 2020 avec une épilepsie en France. Du coup, l’épilepsie sévère, on va le voir sur la diapositive suivante, ça va correspondre à uniquement une partie de ces personnes qui présentent une épilepsie.
C’est un consensus d’experts qui a défini les épilepsies sévères comme étant celles qui résistent au traitement, ou des épilepsies qui entraînent un handicap sévère, lié à la fréquence des crises mais également le handicap lié à la maladie sous-jacente qui crée… Vous avez été trop vite… La maladie qui crée toutes ces crises. Enfin, en fait, du coup tout cela entraîne ce handicap. Les maladies sous-jacentes, il y a une liste qui est non exhaustive. Je vais vous l’expliquer avec un schéma qui est juste après. Ce qu’il faut bien comprendre, c’est que les crises correspondent à la traduction d’une hyperexcitabilité cérébrale en lien avec une maladie sous-jacente.
Il y a des milliers de maladies qui vont pouvoir entraîner des crises. L’exemple que j’ai pris, ce sont les encéphalopathies développementales et épileptiques. Une maladie initiale qu’on voit sur l’écran, qui est liée soit à une malformation cérébrale ou à des anomalies génétiques, cette maladie va entraîner des anomalies, une hyper excitabilité qui va se traduire sous forme de crise, mais également un handicap qui va se traduire par un ralentissement du développement, ou des troubles du neurodéveloppement.
Il y a non seulement les crises, mais également des troubles du neurodéveloppement qui sont liés à ces maladies, qui sont les troubles du développement intellectuel, les troubles du spectre autistique. On peut trouver ces éléments-là. On peut trouver aussi des troubles psychiques avec des troubles d’humeur, anxieux, du sommeil, qui peuvent interférer avec les troubles psychiques, des troubles moteurs, digestifs. C’est un panel de troubles qui sont liés à la maladie sous-jacente.
- Il y a également des crises en même temps. En plus de tous ces éléments-là, on a des éléments qui sont liés aux polythérapies médicamenteuses qui peuvent aggraver un certain nombre de ces éléments, et tous les facteurs environnementaux qui interfèrent pour la personne. Les épilepsies sévères, c’est tout un groupe de maladies. Je vais vous donner des exemples d’épilepsies sévères liées à des maladies présentes dès la naissance. On peut aussi avoir des pathologies arrivées plus tard dans la vie, avec des pathologies crâniennes. J’ai insisté sur cet aspect d’encéphalopathie, c’est une des grosses causes d’épilepsie sévère. Comme on commence bien à comprendre maintenant, c’est que ce n’est pas que les crises, mais qu’il y a tous ces troubles associés qui constituent le handicap et les difficultés de prise en charge.
- Emmanuelle Dal’Secco :
- Est-il difficile de repérer l’épilepsie sévère chez les jeunes enfants ? Quel est le rôle du neurologue ?
- Cécile Sabourdy :
- On vous enverra dans le Chat les références.
La HAS a publié en 2023 un parcours de soins et détaille bien les différentes situations, les moments d’intervention des professionnels en différenciant des situations simples, complexes et très complexes, et les niveaux de soins associés. Le parcours de soins, il commence pareil pour l’enfant et l’adulte, c’est un passage auprès des professionnels les plus proches. Ça peut être le pédiatre, le médecin scolaire, le médecin urgentiste qui va suspecté la première fois le diagnostic, ensuite, il va orienter vers le neuropédiatre ou le centre de référence dont il dépend. De plus en plus le maillage français est quand même très bien fait. Le parcours de la HAS décrit bien ces différents passages de niveau 1 à niveau 2 qui sont importants. La difficulté à laquelle faisait référence Françoise Thomas-Vialettes, c’est de diagnostiquer des manifestations subtiles comme des manifestations de crise. Une crise, c’est un phénomène qui est stéréotypé, c’est relativement bref, il y a un début, une fin brusque, et il revient de la même manière.Si un parent, un professionnel, un aidant, se trouve face à un enfant ou un adulte qui présente de manière répétée des épisodes comme ça, le premier réflexe à avoir, c’est de les documenter. La vidéo a changé notre façon de travailler. Il ne faut pas hésiter à prendre des vidéos, plusieurs vidéos, bien noter les circonstances dans lesquelles surviennent les phénomènes, et à interpeller un professionnel du soin. Pour les professionnels du soin, il faut savoir écouter. Les crises parfois peuvent se révéler de manière assez étrange.Il faut être attentif à ces aspects-là, c’est-à-dire l’apparition de choses répétées, en particulier si c’est associé à une modification de la courbe développementale. Il faut être très attentif à la survenue de phénomènes paroxystiques associés à une rupture dans la courbe développementale. Ça doit inciter à faire des examens complémentaires.
- Emmanuelle Dal’Secco :
- – Quel est la spécificité dans l’institution de La Teppe dans lequel vous travaillez ?
- Cécile Sabourdy :
- C’est un institut qui est spécialisé dans les épilepsies sévères. C’est un recrutement national, contrairement à beaucoup d’établissements qui ont des recrutements régionaux. Il y a un versant sanitaire, le centre de lutte contre l’épilepsie, dans lequel on a plusieurs services dédiés à des évaluations d’épilepsies sévères, et des réflexions sur des séjours qu’on peut faire prolonger, pour des orientations professionnelles. Ça c’est le versant sanitaire. On a aussi un établissement médico-social. On a deux FAM, une MAS et deux EHPAD avec essentiellement des personnes avec épilepsie sévère.
- Emmanuelle Dal’Secco :
- Quels sont les points de vigilance à connaître pour les professionnels, les soignants qui exercent en ville ?
- Cécile Sabourdy :
- Plusieurs points de vigilance. Le premier, quand je vous disais… Celui que je viens d’aborder, on vient me solliciter pour des phénomènes stéréotypés, gardez en tête que ça pourrait être des crises, il faut chercher à documenter les choses. Ensuite, écoutez bien les aidants, les professionnels. Se mettre d’accord sur les termes utilisés.
Françoise Thomas-Vialettes a travaillé dessus dans un établissement sur lequel elle intervenant. C’est-à-dire que c’est important de se mettre d’accord, souvent ce que nous on entend sous une terminologie, par exemple j’utilise le terme d’absence, pour nous il a une signification particulière qu’il n’a pas forcément dans la vie quotidienne. C’est important quand on va être amenés à prendre en charge quelqu’un avec une famille ou avec des professionnels de santé, se mettre d’accord sur ce qu’on appelle trouble du comportement, absence. Ensuite, il faut être très vigilant à toutes les comorbidités dont j’ai parlé. Il faut être attentif à, dès qu’on va être amenés à vouloir mettre un nouveau médicament, se méfier des interactions entre les médicaments, si on utilise un traitement psychotrope, il faut savoir le réévaluer et se mettre d’accord avec les aidants et les équipes sur les signes qu’on cherche à faire disparaître ou améliorer, et le réévaluer de manière formelle quelque temps après.
Ça nous arrive souvent d’être face à des couches de médicaments rajoutés sans qu’ils n’aient été enlevés. Ce sont des patients plus sensibles notamment à l’ostéoporose. Donc pensez aux aspects pour les personnes adultes, à la notion de contraception et les interactions avec les médicaments. Pensez à discuter l’évaluation de la douleur aussi, utiliser des communications adaptées, et prendre le temps sur la consultation pour utiliser les outils de communication adaptés, du FALC, pour pouvoir discuter avec le patient et détecter des aspects douloureux. Ce sont des vigilances importantes.
- Emmanuelle Dal’Secco :
- Ce sont des points qu’on va aborder avec Laure Genet. Vous insistez sur le passage à l’âge adulte, en quoi c’est un moment important ?
- Cécile Sabourdy :
- C’est important parce que ce sont des choses… J’incite les gens à aller voir le beau document fait par la HAS sur le passage entre l’enfance et l’âge adulte. C’est important car on est amenés à définir des objectifs différents. C’est un changement d’équipe de soin, c’est un changement pour une famille qui s’est habituée à une équipe, c’est un changement pour le patient. Il faut prendre le temps de se découvrir avec soit une consultation commune ou un courrier dédié d’adaptation. C’est aussi le moment de discuter de nouveaux objectifs. Souvent, lorsqu’on est face à une épilepsie sévère qui a débuté dans la petite enfance, il y a un moment où on va s’axer sur le fait de traiter les crises avant tout, la prise en charge des troubles associés, et ensuite lors du passage à l’âge adulte, c’est important de redéfinir les objectifs avec tous les autres acteurs de soin qui interviennent autour de la personne.
- Emmanuelle Dal’Secco :
- Est-ce qu’il existe une frange d’adultes en situation de handicap, qui sont accueillis en MAS, et qui sont eux-mêmes en errance ?
- Cécile Sabourdy :
- C’est très probable. La définition qu’on est en train de discuter, les épilepsies sévères, la réflexion autour des encéphalopathies et des causes, c’est quelque chose d’assez récent. On sait qu’il y a probablement un certain nombre de personnes qui ont ces atteintes, qui sont dans des structures de soin, pour lesquelles le diagnostic n’a pas été posé. Alors, le fait de poser un diagnostic génétique à 40 ans ne change pas forcément la vie de ces personnes. J’incite à avoir une réflexion, il y a des évolutions qui peuvent être importantes à suivre. Françoise Thomas-Vialettes parlait du changement et de l’amélioration de la qualité de vie pour sa fille de passer d’une forme intrarectale à une forme intrabuccale, très prochainement, il y aura une forme intranasale. C’est important de pouvoir suivre aussi l’évolution des connaissances pour des aspects pratiques. Il y a des nouvelles molécules qui sortent, qui peuvent améliorer la qualité de vie de ces personnes et notre compréhension. C’est dans ce sens-là que c’est intéressant de se poser la question du regard sur ces personnes.
- Emmanuelle Dal’Secco :
- Merci
Je vais maintenant donner la parole à Laure Genet. Pour ceux qui ne sont pas dans l’errance, la poursuite du parcours n’est pas simple pour autant. On aimerait présenter un parcours exemplaire qui pourrait inspirer d’autres établissements.
Laure Genet, vous êtes médecin coordinateur en Meurthe-et-Moselle.
Quelle est la particularité de votre MAS située dans le Grand-Est ? - Laure Genet :
- Bonjour, merci beaucoup pour cette invitation et votre présentation de notre dispositif. On fait partie d’un dispositif EPI Grand-Est, avec le SAMSAH, la MAS et le centre de ressource. La particularité de notre MAS, c’est qu’on accueille des personnes en situation de handicap évidemment, entre 18 et 60 ans, qui présentent une épilepsie sévère, pharmacorésistante.
On est spécialisés dans la prise en charge de l’épilepsie. L’orientation dans notre MAS se fait via une notification de la MDPH. Ça nécessite malheureusement de faire, je le dis parce que le dossier est à faire, il y a un volet administratif, un volet médical, il faut le remplir pour avoir cette orientation et permettre aux personnes de proposer des séjours dans notre maison d’accueil spécialisée.On a plusieurs type d’hébergements, des hébergements permanents, temporaires, en accueil de jour. L’hébergement temporaire nous permet de proposer des stages. On peut proposer des séjours de répit aux personnes et également faire des stages d’évaluation pour évaluer une recrudescence de crises chez un patient, surveiller via une demande faite par le neurologue quand la prise en charge peut être complexe, pour éviter une hospitalisation, on peut accueillir les personnes sur des stages de 2 à 3 semaines pour évaluer les crises, leur fréquence, faire une modification de traitement.Evidemment, on prend en compte la gestion de crises, on fait des EEG sur place, on peut gérer également les troubles associés à l’épilepsie qui sont importants. On se situe dans l’Est de la France. On est uns des seuls établissements dans l’Est. Mais il y a une trentaine d’établissements qui sont spécialisés dans l’accompagnement des personnes épileptiques. On vous donnera les références pour trouver ces établissements, ils peuvent être contactés pour vous donner des informations et des réponses à vos questions.
- Emmanuelle Dal’Secco :
- Vous parliez du centre d’évaluation, il y en a combien de ce type en France ?
- Laure Genet :
- Il y a une trentaine d’établissements qui sont spécialisés dans la prise en charge de l’épilepsie, qui peuvent amener une certaine expertise par rapport à la prise en charge de cette pathologie qui est complexe.
Il n’y a pas que la problématique de la crise, il y a beaucoup d’autres choses à prendre en considération dans la prise en charge de cette pathologie. - Emmanuelle Dal’Secco :
- Vous avez le sentiment que les professionnels de santé au sein de ces établissements sont suffisamment outillés et formés à la prise en charge de ces épilepsies sévères ?
- Laure Genet :
- On pourrait tout à fait améliorer les choses. Les appels aux établissements spécialisés en épilepsie sont ressource et peuvent répondre aux questions relatives à l’épilepsie. L’organisation de ces séjours d’évaluation au sein de structures spécialisées peuvent permettre de répondre à certaines questions, difficultés, et de travailler conjointement entre des équipes de MAS ou d’autres établissements médico-sociaux qui ne seraient pas spécialisés.
- Emmanuelle Dal’Secco :
- Vous avez des médecins de ville au sein de ces établissements, quel est leur rôle dans le parcours de soins ?
- Laure Genet :
- Les médecins généralistes ou coordonnateur ont un rôle important dans le parcours de soins : l’élaboration du plan de soin, l’accompagnement complet qui est prévu avec les personnes, la famille, les soignants, adapté à l’âge, au mode de vie, au projet personnel, un rôle également de l’orientation de la personne dans le parcours de soins, de planification dans la transition vers les soins, que ce soit vers les structures en milieu adulte ou les soins pour les personnes âgées également.
Un rôle également très important dans l’accès aux droits, la constitution du dossier MDPH pour la reconnaissance du handicap ou la reconnaissance en affection de longue durée, ALD. Françoise Thomas-Vialettes parlait tout à l’heure des programmes d’ETP, ils figurent sur les sites de l’ARS de chaque région, ces programmes sont disponibles et peuvent être recherchés. Il y a un travail toujours, on a la chance au sein de notre MAS de travailler avec un neurologue qui vient toutes les semaines et un psychiatre qui vient tous les mois.
Ce travail conjoint me paraît indispensable pour une prise en charge complète et adaptée de la personne avec une épilepsie sévère. Ça permet de surveiller la présence des crises, les effets du traitement, les effets indésirables notamment qui peuvent être des troubles de la vigilance notamment. On surveille également le poids, avec des prises ou pertes de poids qui peuvent être vues. On surveille également les comorbidités rencontrées.
Il y a une surveillance très globale et très pluridisciplinaire. Je travaille aussi en lien avec une diététicienne, car on a des patients sous régime cétogène qui est un régime particulier qui peut être mis en place chez les personnes avec une épilepsie sévère. Ça nécessite un travail conjoint avec les neurologues, psychiatres, diététiciennes et autres professionnels de santé. - Emmanuelle Dal’Secco :
- On a des questions déjà au sujet de l’alimentation.
On en a parlé déjà un peu, en matière d’interaction médicamenteuse, il y a une réévaluation régulière qui est nécessaire ?
- Laure Genet :
- C’est très important, comme pour tout patient. La situation clinique d’un patient évolue, la tolérance d’un médicament, les effets indésirables. On peut avoir des modifications ou des ajouts de traitement. Concernant l’épilepsie, il y a de nouveaux traitements qui sortent régulièrement, qui peuvent vraiment apporter un bénéfice pour les patients.
C’est important de pouvoir les proposer, de surveiller leur tolérance également. On a également une surveillance sur certains antalgiques notamment, des antidépresseurs, des antibiotiques. Il y a une vigilance régulière. Il faut réévaluer les ordonnances. Quand on a 10 lignes médicamenteuses, on sait que les interactions sont nombreuses. Il faut réévaluer régulièrement de manière conjointe. Ça permet vraiment d’adapter au mieux les traitements.
- Emmanuelle Dal’Secco :
- J’ai une dernière question sur le vieillissement des personnes avec épilepsie sévère, ça pose de nouveaux défis ? Notamment aussi la place des aidants et le vieillissement des aidants.
- Laure Genet :
- C’est une problématique qui est au coeur de notre réflexion actuellement. L’espérance de vie des personnes s’allonge. Nous avons des situations complexes de personnes âgées avec épilepsie sévère. Nous avons 25 % de nos résidents qui ont maintenant plus de 60 ans. On constate une majoration des troubles cognitifs après 50 ans, avec un risque de chute qui augmente.
Du coup, nous sommes en lien avec les EHPAD, afin par exemple de pouvoir proposer une prise en charge adaptée à ces personnes, pour accompagner au mieux la personne dans la transition, le changement d’établissement.
Vous parliez des familles qui avancent également en âge. Les patients que nous prenons en charge au sein de la MAS sont souvent en hébergement permanent. On suit les familles, on les accompagne. On propose des séjours plus longs, plus de séjours de répit pour permettre ce répit familial quand les familles vieillissent également et ont des difficultés à prendre en charge à domicile, et puis accompagner dans cette transition pour trouver un établissement adapté à la prise en charge de leur proche.
- Emmanuelle Dal’Secco :
- Est-ce que vous avez le sentiment que les médecins de ville sont un peu démunis quand ils doivent accompagner des patients à domicile ?
- Laure Genet :
- Ce sont des situations qui nécessitent de prendre du temps, une réflexion conjointe. Moi, je pense qu’il est important de faire appel… De ne pas travailler seul, de travailler de manière conjointe avec le neurologue qui suit le patient, éventuellement avec le médecin psychiatre, ne pas hésiter à mettre en place des infirmiers libéraux pour avoir des retours sur le quotidien à domicile, ne pas hésiter à mobiliser des services d’accompagnement médico-sociaux qui peuvent permettre de faire bénéficier les personnes d’évaluations pluridisciplinaires et d’être un appui pour le médecin généraliste pour l’orientation dans le parcours de soins.
C’est un suivi où il ne faut pas non plus négliger la prévention, le suivi des recommandations vaccinales, le suivi courant, le suivi gynécologique régulier. Tout cela nécessite un temps plus important, ce ne sont pas des examens réalisables aussi facilement que dans la population générale.
- Emmanuelle Dal’Secco :
- Beaucoup d’informations ont été proposées. On vous propose pour avoir toutes les ressources, les contacts, un lien dans le Chat vous sera donné. Notamment, dans les fiches HandiConnect, n° H 80 et 82, dans la rubrique « en savoir plus », il y a aussi pas mal de contacts intéressants. Il nous reste une dizaine de minutes pour prendre vos questions. Quelques-unes sont déjà arrivées.
Quels sont les antalgiques connus pour ne pas baisser le seuil épileptogène ?
- Cécile Sabourdy :
- On n’a pas trop de souci avec les antalgiques, le seul à éviter, c’est le tramadol.
Pas de souci avec le dafalgan. Mais le tramadol est à éviter. - Emmanuelle Dal’Secco :
- Une durée de sommeil optimale pour éviter l’épilepsie ?
- Cécile Sabourdy :
- Le plus c’est mieux. Il faut dormir. Après, bon, très clairement la dette de sommeil est souvent un facteur favorisant. Il faut essayer de maximiser les temps de sommeil.
- Emmanuelle Dal’Secco :
- Est-ce que l’épilepsie diminue avec l’âge ?
- Cécile Sabourdy :
- Ça dépend des épilepsies.
- Emmanuelle Dal’Secco :
- Quelles sont les recommandations sur les écrans, le bruit, tout ce qui pourrait être déclencheur de crise ?
- Cécile Sabourdy :
- Pour revenir un peu sur ce que j’ai dit au début, il n’y a pas une mais des épilepsies. Il faut se tourner vers le neurologue qui suit la personne pour poser la question. Dans les faits, on a de moins en moins de difficultés avec les écrans. Les vieux écrans avec le défilement d’écran induisaient de la photosensibilité. C’est de moins en moins un problème.
- Emmanuelle Dal’Secco :
- Quel conseil donneriez-vous à un patient, ou sa famille, qui n’accepte pas sa maladie ?
- Cécile Sabourdy :
- C’est un phénomène courant, propre à toutes les pathologies. Il y a une phase de déni, propre à toute pathologie chronique, qui nécessite une prise en charge adaptée. L’éducation thérapeutique peut-être un soutien. C’est du travail sur du long terme pour progresser. Il n’y a pas de réponse miracle en fait. On est dans un accompagnement avec un soutien psychologique, un accompagnement éducatif, du temps.
- Laure Genet :
- Je suis tout à fait d’accord. C’est très individualisé. Il faut individualiser l’accompagnement et prendre le temps, revenir sur les choses, répondre aux questions quand elles sont posées, laisser aussi le temps pour cette acceptation et pour la compréhension.
- Emmanuelle Dal’Secco :
- Quels sont les outils de surveillance des crises ?
- Cécile Sabourdy :
- Il y a beaucoup de dispositifs qui ont été proposés sur le marché et qui ne sont pas tous, ils ne répondent pas tous à la question. Il y a des montres connectées, des matelas, l’utilisation de babyphone. La question va être : qu’est-ce qu’on cherche à surveiller ? Il faut en discuter avec l’équipe médicale pour adapter. Ce n’est pas si simple que ça. C’est quelque chose qu’on travaille pour pouvoir répondre aux questions et savoir si les crises spécifiques de la personne seront détectées par tel ou tel dispositif.
- Emmanuelle Dal’Secco :
- Les absences sont-elles aussi dangereuses que les crises convulsives ?
- Cécile Sabourdy :
- L’absence, c’est le fait de rompre le contact.
Si vous rompez le contact alors que vous êtes en train de mettre de l’eau à chauffer sur le gaz, si vous êtes en train de prendre un bain, vous pouvez vous noyer. Ça dépend de ce que vous faites. - Emmanuelle Dal’Secco :
- Certains traitements font-ils grossir ?
- Cécile Sabourdy :
- Oui.
- Emmanuelle Dal’Secco :
- La réponse est claire.
- Cécile Sabourdy :
- Pour détailler, il y a un certain nombre de médicaments qui sont associés à des prises ou des pertes de poids, on prévient la personne. S’il y a une prise de poids trop importante, on modifie le traitement.
- Emmanuelle Dal’Secco :
- Est-ce que vos dispositifs prennent des jeunes issus d’autres départements ?
- Laure Genet :
- Oui, on a un recrutement assez large. C’est souvent plutôt la partie nord de la France pour nous. On est peut-être un recrutement un peu moins large mais pour la partie nord on balaie d’est en ouest.
- Cécile Sabourdy :
- On a un recrutement national et adulte, à partir de 18 ans. On vous donnera la liste des établissements mais il y a des établissements qui sont spécialisés dans la prise en charge d’enfants, notamment un dans le Finistère qui prend en charge des enfants en âge collège, et un établissement MECS, près de Toulouse, là encore, il faut contacter l’équipe soignante pour savoir quel est l’établissement le plus adapté.
- Emmanuelle Dal’Secco :
- Recommandez-vous la stimulation après une crise pour éviter la mort subite ?
- Cécile Sabourdy :
- Les collègues de Lyon avaient participé à un travail qui a permis de mettre en évidence l’importance dans les facteurs qui diminuent le risque, c’est le fait d’oxygéner juste après la crise, stimuler pour reprendre une respiration. Mais pas de manière… De toute façon, quand la personne est en post-crise, on a beau la stimuler, ça ne diminue pas le temps de post-critique. Je ne sais pas ce qu’avait en tête la personne qui a posé la question. Il faut vérifier que la personne ne risque pas de s’étouffer, quelle a les voies aériennes libérées, favoriser l’oxygénation pour lui per mettre de reprendre conscience le plus rapidement possible.
- Emmanuelle Dal’Secco :
- Merci pour toutes vos réponses. On a énormément de questions, malheureusement on doit conclure. Toutes les questions que vous avez posées sur le Chat recevront des réponses via le site HandiConnect. Le replay sera disponible dans quelques jours, vous le recevrez par mail. Je vous demande de répondre au questionnaire que vous trouverez dans le Chat, ça vous demande 30 secondes, ça nous permet d’améliorer la situation. Je vais citer les partenaires sans qui Coactis ne pourrait pas déployer ses précieuses actions. Je vous donne rendez-vous pour un webinaire le 30 septembre, de 13h à 14h, sur la thématique des personnes vieillissantes.
A bientôt.
Merci beaucoup, à bientôt.