Emmanuelle Dal’Secco :

Bonjour à tous et bienvenue sur ce webinaire, organisé par l’association Coactis Santé sur le thème Handicaps et Cancers.
Ce webinaire s’adresse aux professionnels de santé pour vous accompagner dans vos pratiques. Si nous avons mis ces mots au pluriel, ce n’est pas par hasard, car les situations sont plurielles et les réponses aussi. Mais le dénominateur commun, c’est d’avoir conscience de cette spécificité de cette patientèle pour mieux l’accompagner.
Je vais vous accompagner pendant 1h. Ce webinaire est traduit en langue des signes et est transcrit. Merci aux interprètes.
Je voudrais remercier les partenaires de Coactis Santé qui ont fait la diffusion de cette information.
Ce webinaire sera bientôt disponible en replay.
Trois chiffres alarmants : 86% des femmes en situation de handicap déclarent ne jamais avoir eu de mammographie. Une tumeur est détectée à 1,8 cm chez une femme valide contre 3,5 pour une femme handicapée.
Les personnes en situation de handicap participent deux fois moins au dépistage des cancers.
Pour quelles raisons ?
Car les messages de prévention et de campagne ne sont pas toujours compris, car les prise des rendez-vous sont souvent complexes, car il y a peu d’équipements adaptés, et des médecins assez peu formés.
Que fait-on ? Comment on apporter des réponses pertinentes ?
Cela semble un sujet important car vous êtes nombreux à être inscrits.
Il est important de donner la parole aux personnes concernées. On remercie les Papillons Blancs de Dunkerque qui nous ont fait une vidéo.

Vidéo en cours de lecture

Maintenant, j’ai le plaisir de vous présenter nos expertes. D’abord, le Dr Axelle Dupré, médecin généraliste au sein du Square de la Mutualité et référente du projet Handicap, Camille Koudrine, et le Dr Claire Charra-Brunaud.
Avant de donner la parole à nos expertes, je voudrais quand même prendre quelques minutes pour présentent Coactis Santé, c’est une association créée en 2010 pour améliorer l’accès aux soins et à la santé des personnes en situation de handicap. Elle s’adresse à un public plus large en réalité ; aux personnes âgées, aux personnes ayant des difficultés à s’exprimer en français, ou en situation de précarité sociale.
Coactis Santé mène des actions de sensibilisation tout au long de l’année. Elle a créé un vaste réseau de partenaires, elle développe des solutions au service de la relation patients-aidants- professionnels de santé.
Elle s’appuie sur Santé BD. Ce sont des BD destinées au grand public. Elles permettent de préparer un rendez-vous médical, d’informer sur une maladie, en conjuguant des images et du texte.
Plus de 90 thèmes ont été abordés, dont une cinquantaine traduite en 5 langues.
Sur les ressources mises en place pour le cancer, il y a plusieurs BD disponibles, elles ont été réalisées avec des experts de ce thème dont les noms s’affichent. Elles portent sur la prévention, le dépistage, le traitement, comme la mammographie etc.
Concrètement, c’est 24 pages avec des dizaines de dessins, en version numérique sur le site de Santé BD notamment, et également en version papier.
Sur notre site, ces BD sont gratuites et personnalisables, on peut choisir son personnage.
En partenariat avec l’INCa, Coactis Santé a depuis plusieurs années bénéficié de son expertise sur les BD sur le thème du cancer.
Il y a notamment la vaccination sur le papillomavirus. Elles sont traduites en 12 langues.
Coactis Santé met à disposition des posters, dont un porte sur la mammographie, et a réalisé des vidéos sur des examens d’images. Elle met à disposition des familles et des professionnels une banque d’images téléchargeables sur santebd.org.
Il y a ensuite un deuxième volet, qui est les ressources pour les professionnels de santé. C’est le site HandiConnect.fr qui permet de vous outiller et de vous donner des situations concrètes. Il propose un annuaire de formation et permet d’avoir accès à une expertise lorsque vous avez besoin de conseils spécifiques. Sa plus-value, c’est des fiches pratiques, techniques, synthétiques, dédiées à une soixantaine de thèmes, et disponibles gratuitement. Il n’en existe pas des dédiés au cancer pour l’heure.
Maintenant, je vais donner la parole au Square de la Mutualité. Cancers & Handicaps, c’est un sujet dont on s’empire timidement.
On a fait un focus sur deux initiatives innovantes.

Camille Koudrine :

Bonjour à tous.

J’espère que c’est bon pour l’écran.
En 2022, grâce à un appel à projets de l’Institut National du Cancer, notre centre de santé a pu créer, développer un dispositif, Diagnostic Santé, orienté dépistage des cancers pour les patients en situation de handicap.
L’idée, c’est que là, on va avec le Dr Axelle, vous présenter ce diagnostic santé rapidement, et le détail du parcours. Depuis 12-18 mois, notre centre a pu accueillir près de cent patients en situation de handicap, et l’objectif, c’est de regarder les prérequis, les facteurs clés de succès qui ont permis de faire de ce parcours une réussite. L’objectif, c’est de partager ça avec vous, pour voir si, à votre retour, dans vos structures, vous pourriez sensibiliser les patients en situation de handicap.
Les chiffres sur le dépistage ne sont pas bons, encore plus chez les patients en situation de handicap car ces derniers méconnaissent l’existence du dépistage, la prise en charge des patients de manière générale est plus complexe, et encore plus pour les examens de dépistage qui nécessitent d’avoir une prise en charge adaptée et personnalisée. Et il y a un enjeu à décloisonner le monde du sanitaire et celui du médico-social.
A partir de ces constats, et de la connaissance du centre de santé, et de notre volonté de favoriser l’accès aux soins pour eux, nous avons pu développer ce dispositif.

Axelle Dupré :

Bonjour à tous.

Je vais faire une vision globale, vous présenter ce diagnostic santé. On vous détaillera par la suite chaque étape.
L’idée de ce diagnostic, c’était de mieux prévenir et de dépister les cancers chez les personnes en situation de handicap. C’est un projet que nous avons porté en tant que centre de santé, avec l’aide de notre hôpital partenaire, l’Institut mutualiste Montsouris. C’est un appel à projets de l’INCa.
L’idée est de dépister plusieurs cancers en une demi-journée maximum sur une seule unité de lieu, avec un accompagnement dédié et adapté à chaque patient. Les cancers qu’on propose de dépister sont le cancer colorectal, du sein, du col de l’utérus, et également le dépistage du cancer de la peau, du poumon et de la prostate.
Je vous propose de regarder une vidéo sur le bilan.

Vidéo en cours de lecture

Personnel médical :

Le centre de la Mutualité est venu dans notre ESAT pour donner une séance sur la nutrition. Ils ont proposé un dépistage également de 5 cancers en une même journée.

C’est important que les professionnels de santé s’emparent de ce sujet et s’intéressent aux parcours, aux difficultés rencontrées, pour les inclure dans les bilans de suivi en ville, comme tout le monde, et qu’ils soient adaptés.
Avec du matériel adapté, des personnels formés, qui sont accueillants, qui peuvent avoir un discours réconfortant. C’est important aussi.

La deuxième chose importante, c’est qu’on sous-diagnostique beaucoup. Il présente souvent les facteurs de risque.
On a découvert des affections chez les personnes en situation de handicap qui n’existaient plus en population générale, notamment en gynéco, car on s’est rendu compte que les femmes en situation de handicap mentale n’étaient pas considérées comme des femmes ayant un activité sexuelle, donc pas de raison de les suivre en gynéco.
Notre diagnostic permet une différence avec nos consultations habituelles, dans le sens où la préparation en amont a toute son importance.

Notre mission, c’est d’accompagner ces patients, de les rassurer, de leur montrer le vrai bénéfice de ces dépistages, et leur permettre de ne pas entrer dans la maladie et dans des soins plus lourds.

Patiente :

J’ai trouvé ça intéressant, car j’ai 50 ans, donc c’est un risque. Et il y a 4 personnes de ma famille qui ont le cancer.

Je voulais le faire, mais je trouvais ça compliqué.

Fin de la vidéo

Voilà notre petite vidéo de présentation.
Maintenant, nous allons présenter le parcours du patient. C’est pour vous montrer une vision globale, on vous détaillera ensuite le parcours étape par étape. L’idée est de voir que ce parcours a été articulé en 3 temps. Le premier, c’est le temps en amont, qui occupe une grande partie. D’abord la communication, l’aller-vers, les structures, les patients intéressés par ce type de dépistage.
On propose un numéro unique, la cellule support handicap. C’est un coordonnateur dédié qui reçoit l’appel du patient, qui envoie un questionnaire, et qui l’aide à le remplir si besoin, et qui planifie le diagnostic santé avec le médecin référent en fonction des besoins du patient.
Vient l’étape de l’habituation aux soins, pour l’informer, et lui envoyer des outils d’information adaptés.
Puis le bilan en tant que tel, le patient est accueilli, il est accompagné. Il va se rendre dans une salle de consultation dédiée au bilan. Tout ça en une demi-journée.
Troisième temps : la restitution des résultats, c’est une consultation de synthèse. L’idée est de lui délivrer les résultats de ses examens, de lui expliquer, et d’organiser la suite de la prise en charge avec lui. Tout ça est envoyé au médecin traitant qui est informé aussi des résultats.

Camille Koudrine :

Ce qu’on voulait vous proposer, c’est de reprendre chacune de ces étapes et de vous dire les points importants à avoir en tête, pour que le dispositif puisse se passer au mieux au sein des structures.
Avant d’entrer dans le détail du parcours, il y a juste quelques prérequis qu’on trouvait important de rappeler ici. Avant tout, il faut que l’ensemble des professionnels adhère au fait qu’on puisse, au sein de notre centre, favoriser l’accès aux soins des patients en situation de handicap. Pour qu’il y ait adhésion, notamment de la part des médecins, il faut leur assurer que ça ne viendra pas trop perturber leur journée, car ils sont hyper sollicités, donc il faut qu’on puisse dédier du temps supplémentaire, car la prise en charge des personnes en situation de handicap nécessite d’avoir du temps supplémentaire. C’est pouvoir en amont identifier ça pour que ça ne perturbe pas les vacations des médecins.
De la même manière, aussi, les autres professionnels, les secrétaires, les assistants médicaux, pareil, il faut favoriser leur adhésion, les rassurer et les former à cet accueil, leur donner les bonnes pratiques, la bonne manière de faire, les sensibiliser à comment on prend en charge une personne handicapée. C’est une sensibilisation simple qu’on a réussi à mettre en place. Il existait beaucoup de formations pour lesquelles il fallait dégager du temps, et on n’y arrivait pas, donc on a créé une formation un peu généraliste pour tous les types de handicap avec les bonnes pratiques, la bonne manière, sur un temps convivial, à l’heure du déjeuner, c’est l’occasion de fédérer tous les professionnels autour de ces sujets. Et ça s’est bien passé.
Troisième point important : le matériel qu’on doit mettre à disposition des professionnels pour que tout se déroule au mieux. Au fur et à mesure des échanges avec les structures médico-sociales, on a pu, au centre de santé, et c’est une chance, dédier un cabinet spécifique pour la prise en charge des patients en situation de handicap avec du matériel adapté et toutes les ressources des professionnels pour répondre aux différentes situations.
On a un divan réglable en hauteur, très modulable, pour faciliter la manipulation des patients, un lève-malades si besoin, si la personne ne peut pas se lever. Pour la mammographie, on a aussi une chaise hyper ergonomique, qui permet de lever les accoudoirs pour que le mammographe se positionne de la meilleure manière qui soit.
Et toutes les ressources mises à disposition par Coactis Santé : les fiches BD etc. Tout ça est présent dans ce cabinet dédié. L’objectif, c’est que ce soit le médecin, la structure médicale qui s’adapte au patient, et pas l’inverse.
Si on reprend le parcours, la phase amont est très importante. Il y a tout un temps de communication et d’action de sensibilisation à faire avec les structures. C’est un temps long pour pouvoir être référencé, identifié. Il y a beaucoup de ressources qui existent et d’acteurs dans le monde du handicap. Auprès de ces institutions, il faut pouvoir être référencé. Pour les structures médico-sociales du territoire, il y a un grand référencement qui a été fait. On a présenté notre dispositif, on est allé vers ces structures pour présenter des actions de prévention ciblées sur des thèmes choisis en partenariat avec les structures pour que ce soit moins anxiogène. L’idée était de tourner cette action sur de la prévention, et parler in fine du dépistage des cancers, un lien de confiance s’était établi, ça a été efficace pour favoriser l’adhésion des structures pour qu’elles puissent venir au centre de santé. On a conscience que c’est des freins, que c’est compliqué pour les structures et pour les personnes en situation de handicap, c’est aller dans un lieu qu’elles ne connaissent pas, c’est la problématique des transports. C’est quelqu’un qui doit accompagner, donc la structure a un éducateur en moins, et c’est complexe.
Une fois qu’on est identifié, nous, le centre de santé, c’est important qu’on sache bien identifier le patient. On est une cellule support avec un numéro dédié, un contact, et l’objectif est de recenser les besoins du patient pour voir comment adapter au mieux la prise en charge avec une fiche de liaison, un questionnaire médical qui permet d’identifier les antécédents du patient, où il en est, s’il a un médecin traitant, s’il a fait les examens, donc d’adapter la prise en charge à chaque patient. Avec tous ces éléments, nos équipes, en lien avec le médecin et la structure, organisent au mieux la venue, comme mettre un accompagnement si nécessaire, s’il faut minimiser l’attente, s’il y a un bon de transport à proposer etc.
Voici une fiche de liaison sur un type de handicap.

Axelle Dupré :

L’idée, c’est de faire des fiches. On a décidé de faire des fiches en fonction du type de handicap: moteur, psychique, mental, visuel et auditif.
Là, c’est un zoom sur la fiche handicap psychique. L’idée est d’identifier les besoins spécifiques du patient, par exemple une attente calme, un temps d’attente limité, s’il est sensible à la lumière, quelle communication il utilise, quels gestes éviter etc. Voilà des petits exemples.
Puis l’habituation aux soins : l’idée est de préparer au mieux la venue du patient, pour diminuer l’appréhension de venir et faire ces examens.
Dans les outils, on a beaucoup utilisé Santé BD, car c’est très bien expliqué, et c’est adapté à chaque patient. On a remis un dossier d’information au patient en amont qui montre qui on est, les papiers administratifs à amener, et le détail des examens qu’on va lui proposer. Par exemple, pour le dépistage du colon, on lui explique qu’il va rencontrer un médecin généraliste, et comment faire son prélèvement de selles à la maison.
Vient le rendez-vous médical : le patient est accueilli par une secrétaire spécifique, qui va l’accompagner pendant tout ce parcours, jusqu’à la salle de consultation. C’est une salle qu’on a voulue unique. Le patient ne va pas bouger de cette salle. C’est les médecins qui vont venir dans la salle consulter le patient.
Pour les soignants et les médecins, on a mis à disposition un classeur d’informations avec tous ces outils, ces fiches, de Handiconnect, des pictogrammes, des fascicules FALC.
Pour le suivi médical, c’est le moment de la synthèse. On propose une consultation soit en vidéo, soit en présentiel. C’est un médecin généraliste, le médecin référent qui explique au patient ses résultats, lui remet un document de synthèse, et un document de prévention : des petites fiches de prévention générale sur des conseils de suivi médical, d’hygiène de vie globale. En fonction des résultats, c’est de bien orienter le patient, vers l’hôpital si besoin si le dépistage est positif. C’est continuer à bien l’identifier pour qu’il soit bien accompagné à chaque rendez-vous de suivi.

Camille Koudrine :

Vous l’avez compris, on a développé pas mal d’outils. Ce webinaire a été l’occasion pour nous de tous les recenser et de constituer une boîte à outils et de la mettre à disposition de ceux qui sont intéressés. N’hésitez pas à nous solliciter, c’est fait pour être partagé. Notre expérimentation de l’INCa s’arrête là, mais l’enjeu, c’est de continuer.
C’est un vrai défi pour notre société, l’accès aux soins des patients en situation de handicap, et encore plus le dépistage des cancers. Si cette expérimentation permet que ce soit généralisé, ce sera un succès pour tout le monde.
Merci beaucoup.

Axelle Dupré :

Merci.

Emmanuelle Dal’Secco :

Merci, Mesdames.

Vous en avez parlé à la fin, mais il y a des questions qui reviennent assez souvent : est-ce une initiative unique ? De quelle manière elle peut être essaimée ailleurs ?

Camille Koudrine :

Unique, je ne sais pas, je ne connais pas toutes les actions sur le territoire. En tout cas, sur l’Ile-de-France, c’était un appel à projets de l’INCa… Le but est que ce soit reproductible. C’est pourquoi on a cette boîte à outils, pour que ce soit diffusé et proposé ailleurs.
Après, on milite beaucoup pour que ce fameux temps supplémentaire médical, qu’il y ait quelque chose dans le droit commun, une reconnaissance en tout cas de consultation longue, pour la prise en charge des patients en situation de handicap. Cela favoriserait ainsi beaucoup les choses.

Emmanuelle Dal’Secco :

Merci. Je donne la parole au Dr Claire Charrat, oncologue, spécialiste du FALC. Vous contribuez au travail de Santé BD sur le cancer depuis plusieurs années.

J’aimerais que vous présentiez votre initiative.

Claire Charrat :

Bonjour.

Le centre de lutte contre le cancer de Nancy est, comme en France partout, dédié au traitement de tout type de cancer, c’est l’intérêt d’avoir un hôpital unique, un dossier médical unique et un traitement global des patients. On a un groupe, le groupe bientraitance. Depuis 2019, on a cherché à améliorer l’accueil des patients en situation de handicap.

Emmanuelle Dal’Secco :

Pourquoi vous avez décidé de mener cette action ?

Claire Charrat :

Bien sûr que les patients finissent par arriver chez nous pour être traités, mais on voit que leur parcours a parfois été difficile. Un retard de diagnostic important, des tumeurs évoluées et des difficultés particulières à leur traitement. Donc on a été sensibilisés à cette cause pour essayer au mieux de les accompagner dans ce traitement, et d’avoir un maximum de chances de résultats.

Emmanuelle Dal’Secco :

Quels sont les grands axes de cette démarche ?

Claire Charrat :

Développer des documents compréhensibles pour les patients, quel que soit leur trouble de compréhension, sensibiliser le personnel aux particularités des patients en situation de handicap, et un certain nombre d’actions pour l’accueil concret des patients concernés.

Emmanuelle Dal’Secco :

Qui sont ces patients qui ont des besoins spécifiques ?

Claire Charrat :

On a les différents types de handicap avec les questions d’accessibilité, tous les handicaps sensoriels, et le handicap mental et intellectuel. On a des personnes qui n’ont pas un handicap de naissance, mais qui ont des troubles cognitifs, liées à l’âge ou à la maladie.
Ce sont les mêmes difficultés de communication que d’autres types de handicap.

Emmanuelle Dal’Secco :

Comment vous identifiez ces patients ?

Claire Charrat :

On a fait tout un travail pour que l’anticipation des besoins de la personne soit faisable tout au long du parcours. On a constitué un parcours spécifique aux personnes en situation de handicap. Cela peut s’ouvrir quand on commence à ouvrir l’observation de la personne, ou quand l’infirmière rencontre la personne, ou même une secrétaire. Tout personnel du centre peut renseigner cette personne.

Emmanuelle Dal’Secco :

Vous avez des petites vidéos ?

Claire Charrat :

On a quelques diapositives.
Sur notre dossier médical, ça n’a pas beaucoup d’intérêt, mais c’est simple : on clique sur « situation de handicap, et on peut remplir le type de handicap concerné, les aidants, les tuteurs de la personne, son lieu d’habitation.

Emmanuelle Dal’Secco :

Comment vous les accompagnez ?

Claire Charrat :

On fait un gros effort sur l’information des patients. On avait beaucoup de documents d’information, mais pas très compréhensibles, surtout pour les personnes avec troubles cognitifs.
On a profité des documents de Santé BD.
Les BD « je suis soigné pour un cancer » sont sorties. On va pouvoir s’appuyer sur elles également.
C’est à disposition dans notre Intranet.
On a travaillé pour créer nos propres documents. On avait quelques documents spécifiques, par exemple sur la chirurgie ambulatoire par exemple, les cathéters à mettre en place pour faire la chimiothérapie. On a travaillé avec un ESAT de notre région, avec qui on a une relation excellente, qui nous ont transcrit en FALC ces différents éléments, notamment sur la radiothérapie qui peut faire un peu peur. Donc d’avoir en images des photos de notre environnement, de nos machines, ça permet, avant la venue des patients, de discuter, de montrer à leur entourage, pour avoir moins d’appréhension.

Emmanuelle Dal’Secco :

En quoi cette démarche de simplification est importante dans votre métier ?

Claire Charrat :

Tous les troubles de compréhension, du comportement vont être extrêmement gênants pour réaliser les séances. Les personnes doivent rester immobiles. Ces appareils sont impressionnants. Il faut que la personne reste immobile, sans bouger pendant 15 mn. Si elle bouge, on risque d’irradier la mauvaise zone.
Donc c’est important de pouvoir les préparer, et les accompagner au mieux.
Pour avoir un lien avec l’équipe ou la famille, on a profité d’un autre document, un petit carnet de liaison entre l’équipe médico-sociale et l’équipe de santé, pour dire par exemple que, aujourd’hui, la personne a beaucoup plus mal, donc attention, par exemple.
C’est un certain nombre d’outils qui sont disponibles pour mener le traitement du mieux possible.

Emmanuelle Dal’Secco :

C’est quoi Lisio ?

Claire Charrat :

C’est un module qu’on a acheté, qui est en vente libre pour tout hôpital ou tout site Internet. C’est un module qu’on rajoute, qui permet, pour les personnes qui le consultent, qui ont des problèmes de dyslexie, de compréhension, ça permet de modifier les textes pour que ce soit plus accessible. C’est un plus intéressant, mais ça ne fait pas de transcription FALC, ça reste utile mais un peu limité dans ses possibilités.

Emmanuelle Dal’Secco :

C’est un dispositif disponible pour n’importe qui ?

Claire Charrat :

Oui. Ça a un certain coût. Mais toute entreprise, tout hôpital peut le mettre en association avec son site Internet pour en faciliter sa consultation. Par exemple, il y aura moins de changements de couleur pour les épileptiques.

Emmanuelle Dal’Secco :

D’autres informations à destination des patients ?

Claire Charrat :

Oui. On a créé une box handicap pour les personnes qui ont du mal à patienter dans une salle d’attente par exemple, on a une loupe grossissante. Ce sont des petites boxes disponibles dans tous les étages, les services à chaque étage.

Emmanuelle Dal’Secco :

Quel est le coût de Lisio ?

Claire Charrat :

Je ne veux pas dire de bêtise, car ça fait trois, quatre ans qu’on l’a acheté : autour de 10 000€.

Emmanuelle Dal’Secco :

Vous mettez à disposition des chambres pour les aidants, en quoi c’est important ?

Claire Charrat :

Oui, une chambre en particulier, quand une personne a besoin d’être hospitalisée, pour que l’aidant reste en hospitalisation avec elle. On offre la gratuité du séjour à l’aidant, ce qui n’est pas le cas partout.
C’est un état d’esprit pour dire que l’aidant est partie prenante du traitement de la personne, est vraiment notre partenaire. On veut valoriser sa présence et lui faire entendre que c’est une chance pour nous d’avoir quelqu’un qui accompagne la personne. Ce projet a reçu un petit prix dans notre fédération de centres de lutte contre le cancer, pour mettre en lumière la valeur de l’accompagnant.

Emmanuelle Dal’Secco :

Y a-t-il des difficultés qui persistent ?

Claire Charrat :

Les difficultés, c’est les troubles du comportement ou les troubles de l’expression des besoins qui sont très importants. Ça va parfois limiter les traitements qu’on peut mettre en œuvre.
Une chirurgie, souvent, on peut faire une opération, sous anesthésie générale, il faut qu’on puisse la supporter, la personne, et dans les suites opératoires, ne pas arracher les pansements, la cicatrice. Il faut que la personne soit encadrée pour que les effets secondaires nous soient communiqués.
Sur ce qui est troubles du comportement, on est en difficulté vraiment.
Il y a l’habituation aux soins, c’est quelque chose à améliorer, mais le traitement du cancer est relativement urgent, et cette habituation nécessite plusieurs semaines.

Emmanuelle Dal’Secco :

L’autre volet, c’est les actions de sensibilisation des personnels. Les professionnels ont-ils adhéré à ce projet ? Ils y ont trouvé un bénéfice ?

Claire Charrat :

Tout à fait. Dans le groupe bientraitance, on est des professionnels de tous services, c’est un projet qui a embarqué tout le monde. Les personnes en situation de handicap arrivent chez nous, si on n’a pas anticipé leur venue, on se trouve nous-mêmes en grande difficulté.
Le groupe, tous ont participé. La communication avec les autres membres du personnel s’est faite de façon positive. On a tout noté dans notre référentiel qualité interne. On a fait un petit quiz un peu ludique à destination de l’ensemble du personnel pour leur rappeler les actions faites.
On a également fait des formations de sensibilisation avec notre partenaire départemental pour la formation sur le handicap mental, on a été formés aussi sur la surdité, et les particularité des personnes qui s’expriment en langue française des signes. Ce sont des expériences en cours, qui vont continuer, qui sont très enrichissantes pour le personnel.

Emmanuelle Dal’Secco :

Vous avez mis en place une banque d’images ?

Claire Charrat :

Oui. On a utilisé aussi Makaton pour construire nos propres phrases. Il y a des questions bêtes autour des menus, des repas, ou de leurs occupations, ou de leur hygiène physique. C’est dans les projets de réaliser nos propres banques d’images pour la communication, en particulier dans les services d’hospitalisation.

Emmanuelle Dal’Secco :

C’est une démarche unique en France ?

Claire Charrat :

Je pense qu’il y a de plus en plus d’initiatives de ce type.
Au sein de notre association, on a un groupe spécialement dédié aux personnes en situation de handicap. On se réunit depuis deux ans et on partage nos initiatives, des uns et des autres.
Oncodefi travaille plus sur la prévention et la formation des personnes elles-mêmes.
A Toulouse, ils ont fait une unité autour de l’accueil des personnes en situation de handicap.
Donc oui, ça bouge dans pas mal d’établissements. Il y a une expérience en Alsace, de formation et du monde de la santé et du monde médico-social.
Donc beaucoup d’initiatives. On a encore un peu de marge de progression globalement.

Emmanuelle Dal’Secco :

Ce modèle est facilement essaimable ?

Claire Charrat :

Cette voie est gagnant-gagnant. Si on ne la prend pas, on est mis nous-mêmes en difficulté. Je ne pense pas que ce soit difficile de convaincre, c’est plus de la méconnaissance, et de la méconnaissance des outils disponibles. Santé BD en est un exemple, et il est fondamental. Les coûts de ces outils sont très modestes. Par contre, c’est le temps qu’on va passer avec ces personnes qui va être bien souvent plus important que le temps avec les autres patients, pour un examen, une consultation, faire une thérapeutique. Et ça, il faut que ce soit valorisé, car les centres ne peuvent pas déployer des moyens inouïs sans avoir la valorisation en regard. C’est valoriser le temps humain avec ces personnes.

Emmanuelle Dal’Secco :

Sur une traduction en FALC, vous parliez d’un coût modéré ?

Claire Charrat :

C’est entre 1000 et 1500€ pour créer le document.
L’argument du coût pour créer des outils… Une box handicap avec des crayons de couleur, ce n’est rien du tout.
Un autiste aura du mal à attendre son tour dans une salle d’attente. Si on peut s’arranger pour qu’il soit pris à l’heure, ça va faciliter la consultation pour tout le monde, et permettre d’aller au bout du traitement. Alors que si on l’accueille mal, il risque de se braquer et de disparaître et ne pas être traité du tout.
C’est primordial de les accueillir de façon adaptée à leur type de handicap.

Emmanuelle Dal’Secco :

C’est le moment de poser des questions, si vous en avez.

Quelle prise en charge pour les personnes en situation de poly handicap ou de maladie neuro dégénérative ?

Claire Charrat :

La prise en charge de l’ensemble doit être le plus possible proche des référentiels pour tout patient.
Ensuite, c’est tellement particulier qu’on va voir en fonction du type de cancer, du stade du cancer, de la personne elle-même, de son handicap, et si elle a d’autres pathologies qui peuvent interférer. Le traitement va lui être adapté. Mais sur le principe, il faut la traiter comme toute autre personne qui se présenterait avec le même cancer.

Emmanuelle Dal’Secco :

Vous vous êtes écoutées, vous voyez un lien commun dans vos actions ? En quoi c’est encourageant ?

Claire Charrat :

Je suis admirative de l’initiative de Camille et Axelle. C’est ça qu’il faut développer en priorité. Si on arrive à faire ça, on aura beaucoup moins de mal à traiter ces personnes-là. Il faudrait mettre le paquet sur le dépistage et la prévention.
Cette initiative de faire tout dans la même jour, dans un même lieu, dans un petit cocon, ça me paraît idéal. Il faudrait vraiment que ce soit valorisé et dispersé dans toute la France. C’est une superbe initiative.

Emmanuelle Dal’Secco :

Tout le groupe est impliqué dans cette démarche ?

Claire Charrat :

Oui, les 20 centres sont représentés dans nos réunions. On fait ça en visio, on en a trois, quatre par an. Tout le monde est concerné.

Emmanuelle Dal’Secco :

Camille et Axelle, vous voulez réagir ?

Axelle Dupré :

Merci, car on croit beaucoup en ce projet. Ce qu’on observe, c’est que les médecins… Je suis médecin généraliste, ces patients-là, probablement, sont beaucoup suivis pour le curatif, et très peu pour le préventif. Ce n’est pas que les médecins n’ont pas le temps, mais il y a tellement de sujets à aborder que c’est plus difficile de les suivre. Donc il faudrait multiplier ce genre d’initiative. Si, parmi les personnes qui nous écoutent, vous en avez entendu parler autre part, ça nous intéresse d’échanger avec d’autres médecins de ville, d’autres libéraux qui pourraient être ouverts à cela.

Emmanuelle Dal’Secco :

Pour ceux qui souhaitent vous contacter, un replay sera bientôt disponible. Les questions du Chat obtiendront des réponses via le site Handiconnect.
Pour conclure, je vous encourage à répondre à un petit questionnaire de satisfaction, de 30 secondes. Vous recevrez le lien. On voudrait également remercier à nouveau les partenaires sans qui Coactis Santé ne pourrait pas déployer ces précieuses actions.
Nos prochains webinaires, le 13 mai sur l’épilepsie sévère, le 30 septembre sur les personnes handicapées vieillissantes, toujours de 13 à 14h.
Le replay sera dispo. Vous recevrez par mail toutes les ressources citées aujourd’hui. Je vous remercie infiniment de votre participation, à nos spectateurs, à nos expertes. Je vous souhaite une excellente journée.